Essais

Les nouveaux défis géopolitiques de l’Union européenne[Notice]

  • Pierre Verluise

…plus d’informations

  • Pierre Verluise
    Institut de relations internationales et stratégiques (iris)
    2 bis, rue Mercoeur
    75011 Paris
    France

Les élargissements de l’Union européenne à douze nouveaux États, en 2004 et 2007, résultent pour partie d’une révolution géopolitique : la fin de la guerre froide (1990). L’adhésion à l’Europe communautaire de dix pays qui étaient précédemment partie intégrée de l’Union des républiques socialistes soviétiques – les trois États baltes – ou satellites de l’urss constituent en soi une oeuvre de politique étrangère considérable. Certes, Washington donne l’impression de prendre indirectement en charge le volet sécurité, par les élargissements de l’otan – en 1999, 2004 et 2009 –, mais l’Union européenne (ue) doit s’occuper de tout le reste. D’une certaine manière, il revient à l’ue de « gérer l’intendance » de la victoire des États-Unis sur Moscou. L’Union européenne élargie doit maintenant relever de nouveaux défis géopolitiques. Considérons successivement les défis internes puis les défis externes. Sans prétendre à l’exhaustivité, cernons deux fondamentaux de la puissance : la démographie et l’économie. Avec une population de près d’un demi-milliard d’habitants, l’Union européenne élargie pourrait sembler bien mieux placée que les États-Unis (305 millions en 2008). Il n’en est rien, parce que les dynamiques démographiques diffèrent considérablement. Dans les années 2000, alors que les États-Unis affichent un indice de fécondité de 2,1 enfants par femme – auquel s’ajoute un accroissement migratoire largement positif –, l’Union européenne doit plus des quatre cinquièmes de son léger accroissement total à l’accroissement migratoire. Loin de résoudre la faible fécondité et le vieillissement qui caractérisaient déjà l’Europe communautaire, les élargissements de 2004 et 2007 forcent le trait (Verluise 2008 : 11-68). Une approche multiscalaire le démontre. À l’échelle des régions, les élargissements de 2004 et 2007 accroissent significativement le nombre et la proportion de régions qui combinent une variation naturelle négative et un solde migratoire négatif. Il en résulte une augmentation du nombre de régions et de villes qui connaissent un dépeuplement, et plus nombreuses encore sont celles qui enregistrent un vieillissement de leur population. Le taux de dépendance vieillesse, c’est-à-dire le ratio des personnes âgées de 65 ans ou plus par rapport à la population de 15 à 64 ans, est particulièrement élevé dans plusieurs régions du centre et du nord de l’Allemagne, dans le centre de la France (Limousin), au Portugal, en Suède, au sud-ouest du Royaume-Uni, dans le nord de l’Espagne et dans plusieurs régions de Grèce et d’Italie. À l’échelle nationale, ces nouvelles adhésions se soldent par l’intégration d’États généralement peu peuplés, mais le plus souvent en situation de vieillissement du fait d’une faible fécondité et même de dépeuplement. En 2008, l’indice synthétique de fécondité est ainsi de 1,4 enfant par femme en Lituanie, en République tchèque et en Bulgarie ; de 1,3 en Roumanie, en Pologne et Hongrie ; et de 1,2 en Slovaquie. Dans plusieurs pays, l’immigration ne fait qu’amoindrir la diminution de la population active. À l’échelle de l’ue, le solde migratoire est d’ailleurs le véritable moteur de l’accroissement total de la population depuis le début des années 1990. Pour l’Europe communautaire, ces élargissements renforcent la tendance antérieure au vieillissement. Ainsi, non seulement ils ne résolvent pas les faiblesses démographiques notoires de l’Union européenne – faible fécondité et vieillissement –, mais ils les accentuent et ajoutent des régions menacées de dépeuplement. Afin de prendre la mesure du défi démographique à relever, il faut se pencher maintenant sur les projections. Selon les projections moyennes d’Eurostat pour 2060 (Giannakouris 2008), l’ensemble formé par l’ue pourrait voir s’accentuer le vieillissement de sa population. Entre 2008 et 2060, seuls sept États de l’ue-27 pourraient afficher une croissance naturelle positive : l’Irlande, Chypre, le Luxembourg, le …

Parties annexes