Comptes rendus : Études stratégiques et sécurité

Sharp, Jane M.O., Striving for Military Stability in Europe. Negotiation, Implementation and Adoption of the cfe Treaty, New York, Routledge, 2006, 292 p.[Notice]

  • Matthieu Chillaud

…plus d’informations

  • Matthieu Chillaud
    Département de science politique
    Université de Tartu, Estonie

Jane M.O. Sharp était chercheure au sipri (Stockholm International Peace Research Institute) entre 1987 et 1991, en charge des questions de désarmement conventionnel et, à ce titre, l’un des témoins privilégiés du passage des négociations mbfr (Mutual Balance Forces Reduction) à celles qui aboutirent au traité sur les Forces armées en Europe, plus connu sous l’acronyme fce, pour traité sur les Forces conventionnelles en Europe. Le livre de Sharp met fin à une curiosité. Bien qu’étant souvent vanté comme étant « la pierre angulaire de la sécurité européenne », le traité fce, paradoxalement, n’a jamais stimulé d’effervescence intellectuelle notable. Excepté l’ouvrage, un peu ancien, de Richard Falkenrath (Shaping Europe’s Military Order. The Origins and Consequences of the cfe Treaty, Cambridge, mit Press, csia, 1995) aucune autre étude n’a jamais étudié de façon aussi exhaustive la question du traité fce. La première partie, Background to the Formal cfe Negociation replace, dans le contexte de la guerre froide, les motivations de l’otan et du pacte de Varsovie dans leur diplomatie du désarmement conventionnel. Au moment où la stratégie de la riposte graduée était adoptée, le recours en premier aux armes nucléaires était jugé nécessaire pour garantir la sécurité des alliés occidentaux, face à l’imposant appareil militaire du pacte de Varsovie, et il ne pouvait être question de se priver de cet atout avant que le déséquilibre des forces classiques soit corrigé, d’où l’intérêt porté, à l’ouest, aux négociations sur le désarmement conventionnel entre les deux alliances. L’auteur souligne, toutefois, que si les négociations mbfr amorcées en 1968 furent laborieuses, c’est parce que les deux parties poursuivaient des objectifs diamétralement opposés : alors que l’otan estimait que le rapport des forces était favorable au camp socialiste et exigeait donc des réductions asymétriques, le pacte de Varsovie, à l’inverse, considérait que les deux plateaux de la balance militaire s’équilibraient et qu’il fallait donc procéder à des réductions proportionnelles. Les pourparlers furent, par la suite, facilités par la politique ambitieuse en matière de maîtrise des armements et de désarmement de l’urss, menée sous l’impulsion de Michaël Gorbatchev. Dans la deuxième partie, Negociating the Treaty and Assessing its Impact, Jane M.O. Sharp montre que dans la vingtaine de mois qui sépara le début des négociations (mars 1989) à la conclusion du traité (novembre 1990), les négociateurs parvinrent à plusieurs compromis, notamment sur la zone d’application et surtout sur la nature et le format des armes concernées. Il fut finalement convenu que tous les équipements limités par le traité (elt) qui s’avèreraient en excédent devaient être détruits, déclassés ou transformés pour passer dans des catégories de matériels non soumis à limitation. Ces règles furent complétées par des mesures d’accompagnement, notamment des échanges d’informations et des mesures de vérification. Chaque État-partie était tenu de participer à des échanges réguliers et détaillés de données sur ses elt et de réduire ses matériels en excédent par rapport aux plafonds fixés. Le système de vérification était très intrusif dans la mesure où tous les États devaient autoriser des inspections de délégations de l’autre groupe d’États. La zone d’application du traité fut divisée en sous-zones. Afin de minimiser la concentration des armes conventionnelles dans ces zones, des plafonds furent fixés pour la quantité d’armements conventionnels pouvant être détenus par les deux groupes d’États, dans l’une quelconque des sous-zones. Il existait quatre zones, incluant grosso modo autant de pays appartenant au groupe Est qu’au groupe Ouest. Les zones étaient emboîtées de façon à ce qu’il y ait une symétrie des forces, de part et d’autre de la …