Comptes rendus : Économie internationale

Rioux, Michèle (dir.), Globalisation et pouvoir des entreprises, coll. Économie politique internationale, Outremont, qc, Athéna éditions, 2005, 246 p.[Notice]

  • Jacques Fontanel

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  • Jacques Fontanel
    Université Pierre Mendès-France Grenoble, France

Les entreprises privées bénéficient d’une forte montée en puissance dans le jeu des grands acteurs économiques internationaux, notamment par le canal des flux d’investissements internationaux et des nouvelles formes de gouvernances libérales favorables au marché. Les grandes firmes multinationales ont de moins en moins en face d’elles les contrepouvoirs des États. Ceux-ci se préoccupent a priori de la défense de l’intérêt public, mais ils sont mis eux-mêmes en concurrence dans les choix faits par les entreprises. La question de ce livre est la suivante : Comment peut-on rétablir un équilibre entre les intérêts des entreprises et l’intérêt public ? Dans son introduction, Michèle Rioux s’interroge sur l’obéissance des marchés et des sociétés au seul hasard de la liberté (Campagnolo). Aujourd’hui, la compétition internationale est de plus en plus déterritorialisée et autonome, ce qui crée des déséquilibres inacceptables sur le double plan éthique et politique. Les États et leurs territoires sont mis en concurrence, ce qui limite considérablement leur autonomie. Les stratégies du « cavalier seul » deviennent monnaie courante. Après avoir mis en évidence la définition de la mondialisation selon le fmi, perçue comme un processus historique qui est le fruit de l’innovation humaine et du progrès technique, la perception linéaire est contestée. La globalisation économique ne concerne pas seulement l’internationalisation des échanges. S’il se présente comme un puissant processus de transformation du monde, le processus de libéralisation a favorisé les situations des pouvoirs monopolistiques des entreprises et il n’est pas nécessairement une source de progrès pour l’ensemble de l’humanité. La multinationalisation et la déterritorialisation ont fait l’objet de nombreuses analyses théoriques, notamment de Dunning. L’entreprise est dorénavant placée au premier rang des acteurs de l’économie, elle devient le vecteur d’intégration principal et les États ne peuvent intervenir sans être, au moins partiellement, sous leur influence. L’intégration se fait en profondeur, avec la mise en place de réseaux transnationaux. Aujourd’hui, le triangle de la coopération internationale est devenu impossible à construire, car il cherche à la fois à assurer l’autonomie des marchés, la préservation de la souveraineté des États et la mise en place d’une régulation institutionnalisée. Le modèle dominant implique à la fois l’autorégulation et le compétitivisme. Or, la promesse de la gouvernance mondiale n’est réalisable que si le mode de régulation ne favorise plus systématiquement les formes privées d’autorité internationale. Au chapitre 1, C.A. Michalet recherche les contrepouvoirs à la mondialisation. Les États-nations et le système des organisations internationales se sont affaiblis, les syndicats sont dépassés, on assiste à l’hypostasie des marchés. Il est alors nécessaire de reconstruire ces contrepouvoirs, par la recherche improbable d’une souveraineté supranationale, de la construction de nouveaux États-territoires, d’une régulation internationale des marchés (prometteuse, mais fragilisée par la capture de cette régulation par les agents privés) ou de l’émergence de nouvelles forces sociales (notamment par le canal des ong). Les contrepouvoirs sont aujourd’hui inexistants ou équivoques. Pour Anik Veilleux (chap. 3), les codes de conduite constituent potentiellement des instruments intéressants de régulation des firmes multinationales. Ils peuvent s’exprimer sous quatre formes : 1. la régulation internationale suppose une coopération des États au sein d’institutions internationales ; 2. l’autorégulation laisse les firmes responsables de l’élaboration et de l’application, sur une base volontariste, des codes de conduite ; 3. la régulation privée implique une coopération d’organismes privés internationaux ; et 4. la corégulation propose une coopération entre les grands acteurs économiques internationaux (organisations internationales, firmes multinationales, ong et États). Aujourd’hui, on assiste à une tendance à la privatisation de la régulation, malgré les efforts de certains États et des ong. Or, la régulation devrait d’abord être l’oeuvre des États. Claude Serfati (chap. …