Comptes rendus : Régionalisme et régions – Afrique

Imagining the Congo. The International Relations of Identity.Dunn, Kevin C. New York, Palgrave Macmillan, 2003, 221 p.[Notice]

  • Gabrielle Lachance

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  • Gabrielle Lachance
    Sociologie, option développement
    Anjou, Québec

Comment le Congo a-t-il été imaginé dans le temps, comment a-t-il été défini, par qui et dans quel but ? Et surtout, quels ont été les effets de ces représentations sur les relations internationales ? Ce sont les questions auxquelles l’auteur tente de répondre dans cet ouvrage. Depuis les années 1990 surtout, les publications sur le Congo se sont multipliées portant sur son évolution économique et politique depuis l’indépendance, ses chefs politiques et leurs visées nationalistes, ses relations régionales et internationales, la souveraineté comme modèle politique, mais aussi l’espace territorial et l’espace socioculturel d’où découle la question de l’identité dans les relations internationales. Le présent ouvrage se situe donc dans une tendance très actuelle de la recherche. Comme angle d’approche, l’auteur a choisi une analyse du discours à la fois historique et contextuelle, qu’il situe dans le cadre des relations internationales. C’est ce qui fait son originalité et sa valeur parce qu’elle ajoute de nouveaux aspects aux explications existantes. L’étude s’étend sur plus d’un siècle et se divise en quatre périodes historiques cristallisées autour d’autant de personnages : Léopold ii, Patrice Lumumba, Mobutu Sese Seko et Laurent-Désiré Kabila. Ainsi, nous pouvons suivre l’évolution du phénomène : la production de l’identité au moment de la colonisation, sa contestation lors de la décolonisation en 1960, sa réinvention comme « Zaïre » au cours des années 1970 et le retour au Congo à la fin du 20e siècle (p. 7). Les données étudiées proviennent de sources variées : rapports gouvernementaux, conférences, documents, articles de journaux, récits de voyage, traités académiques, ouvrages de fiction, films, expositions muséales, oeuvres d’art, cartes géographiques, etc. (p. 16). Dans un premier temps, l’auteur étudie comment le Congo a été inventé en mettant en relief des éléments importants du projet colonial de Léopold ii : la construction de l’identité sociale et spatiale congolaise ; le discours sur cette double identité et la façon de le concrétiser ; finalement, le contexte international dans lequel ce projet s’est déroulé (p. 25). Trois acteurs importants sont présentés : Henry Morton Stanley, journaliste américain devenu explorateur et principal auteur du discours sur l’identité congolaise, le roi Léopold ii de Belgique, promoteur du projet colonial, et E.D. Morel, un jeune agent maritime britannique qui dénoncera vigoureusement la violence avec laquelle Léopold ii réalise son projet. L’identité du Congo et des Congolais a été définie par des acteurs engagés dans sa conquête et sa colonisation. Les représentations et les pratiques sociales et spatiales indigènes ont été remplacées par des schèmes européens, surtout sur les plans politique (État de droit) et économique (système capitaliste). Cette définition de l’identité a servi de justification à sa domination et à sa domestication de même qu’à l’exploitation de ses ressources naturelles et de sa main-d’oeuvre. La figure de Lumumba et la crise des années 1960, enracinée dans les conflits sur les notions d’autonomie et d’indépendance, sont au centre du chapitre suivant. À cette époque, des discours contradictoires ont été produits pour interpréter l’identité congolaise. Alors que Lumumba dénonçait l’exploitation de la Belgique ainsi que son discours paternaliste et triomphaliste sur le succès colonial, les États-Unis, se situant dans le cadre de la guerre froide, ont vu le Congo comme une proie facile aux visées communistes. Ici, les dynamiques politiques du discours entourant l’indépendance ressortent clairement. Les représentations léguées par Stanley sur l’identité congolaise ont servi d’alibi à l’intervention de la Belgique pour tenter de reprendre le contrôle du pays devenu indépendant et remettre en cause la légitimité de son premier ministre. Elles ont également servi d’excuse au gouvernement américain pour passer outre aux institutions politiques congolaises et se …