Comptes rendus

Barbier, Frédéric. Histoire des bibliothèques : d’Alexandrie aux bibliothèques virtuelles. Paris : Armand Colin, 2013. 301 p. (Coll. U histoire). ISBN 978-2-200-27440-5[Notice]

  • Marcel Lajeunesse

…plus d’informations

La parution d’une histoire des bibliothèques en langue française constitue un événement. Son auteur est un historien du livre de grande notoriété. Frédéric Barbier est directeur d’études à l’École pratique des hautes études et directeur de recherche au CNRS, École normale supérieure, à Paris. Il est aussi le rédacteur en chef d’Histoire et civilisation du livre – Revue internationale, une revue publiée chez Droz. Il a fait paraître de nombreuses études en histoire du livre français et allemand. Il est l’auteur, notamment, de Trois cents ans de librairie et d’imprimerie : Berger-Levrault 1676-1830, de L’Europe de Gutenberg, de l’Histoire du livre et de l’Histoire des médias, de Diderot à Internet. D’entrée de jeu, l’auteur pose la question suivante : pourquoi faire paraître une histoire des bibliothèques à l’ère d’Internet et des nouveaux médias et à l’heure de la dématérialisation, qui fonde la troisième révolution du livre ? Il assure que la question des bibliothèques conserve toujours une actualité certaine. Barbier est bien conscient que la rédaction d’une histoire des bibliothèques, pratiquée depuis longtemps dans le monde anglo-saxon, est encore une terra incognita en France. Elle est, selon lui, au stade où était l’histoire du livre au début des années 1950, lors du début des travaux d’Henri-Jean Martin. Depuis une décennie, Barbier a décidé de faire de l’histoire des bibliothèques et des bibliothécaires l’un de ses domaines de recherche. Pour l’auteur, la bibliothèque a toujours constitué une institution de transfert culturel, un lieu de mise en scène et un moyen de légitimation d’un prince ou d’un régime. Les bibliothèques fonctionnent dans un cadre transnational dès l’Antiquité. Ainsi en est-il de la bibliothèque créée par Assurbanipal en Mésopotamie, ainsi que dans l’Égypte hellénistique. En créant et en développant le Musée d’Alexandrie, les Ptolémées ont fait de cette ville la capitale intellectuelle du monde d’alors. C’est là qu’a été inventée la bibliothéconomie, avec ses divers aspects : le développement des collections, la classification et l’indexation, la gestion de la bibliothèque. Cette bibliothèque a été à l’origine d’un mythe qui a traversé les siècles jusqu’à nous. Elle a donné naissance à la Bibliotheca Alexandrina, en 2002. En somme, les bibliothèques de l’Antiquité – Mésopotamie, Alexandrie, Pergame, dont celles de Rome avec ses bibliothèques publiques sous Auguste – constituaient un ensemble d’une grande richesse. En Occident, le haut Moyen Âge ne fut pas une ère faste pour les bibliothèques. Ce fut plutôt l’époque des petites bibliothèques monastiques. Saint Benoît institua la règle bénédictine qui généralisa le principe d’établir, dans chaque abbaye ou monastère, un scriptorium et une bibliothèque. C’est véritablement à Byzance, héritière de la Rome impériale, que s’est conservé et développé l’héritage antique. Par ailleurs, le monde arabo-musulman peut se targuer d’avoir mis sur pied de riches bibliothèques à cette époque, à Bagdad, Damas, Le Caire et Tunis, de même qu’en Andalousie (Cordoue, Tolède, Grenade). Les grandes abbayes de la seconde partie du Moyen Âge, Cîteaux, Cluny et Saint-Germain-des-Prés, possèdent des bibliothèques importantes. De leur côté, les universités naissantes, à Bologne, Cambridge, Coimbra, Cracovie, Heidelberg, Oxford, Paris, Prague, Salamanque et Vienne, forment des bibliothèques pour les maîtres et les étudiants. L’invention de l’imprimerie, qui constitue la première révolution du livre, bouleverse le monde de l’édition et des bibliothèques. Notons qu’entre 1452 et 1501, la production imprimée est supérieure à 30 000 titres, avec un tirage moyen de 500 exemplaires, ce qui représente un nombre impressionnant d’incunables. Au cours de cette époque, après la chute de la ville aux mains des Ottomans, les livres de Byzance passent pour une grande part en Occident, notamment à Venise et à …