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Accessibilité dans les lieux publics, enjeu de dignité pour tous[Notice]

  • Anne-Lyse Chabert

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  • Anne-Lyse Chabert
    Laboratoire SPHERE de Paris Diderot, Europe

Je me propose dans cet article d’étudier les enjeux de la qualité de l’accès d’un lieu : en quoi ce lieu peut-il générer une certaine forme de violence qui demeure imprimée dans l’expérience de vie du sujet? L’idée un peu atypique que je défends ici, c’est qu’une des marques essentielles du stigmate (Goffman, 1975) dans le handicap réside tout autant dans la façon d’accéder aux ressources ordinairement utilisées, que dans l’accès lui-même. En d’autres termes, si rendre un lieu accessible est une finalité prioritaire, il ne faut pas se détourner de l’évaluation de la qualité du chemin qui permet cet accès. Les personnes en situation de handicap font souvent face à un nombre plus réduit de possibilités d’accéder à un lieu (bien souvent, un ascenseur est le seul recours possible), mais aussi à une qualité amoindrie de ces moyens d’accès (je traverse régulièrement des couloirs exigus, voire des locaux à poubelles), quand cet accès n’est tout simplement pas impossible (ni « rendu » impossible par le chemin impraticable qui l’entoure, comme l’absence de toilettes accessibles dans un lieu où les gens sont censés passer un certain temps par exemple). Ces traces d’un « autre » passage, différent de celui des autres membres de la société, marquent toujours, même tacitement, la personne qui traverse ces lieux. Cet article a pour ambition de réfléchir sur ce caractère apparemment anodin de l’accès. J’ai développé ces perspectives en réutilisant le concept issu des sciences cognitives, les affordances, appliquées à la situation de handicap, ce qui nous permet d’envisager une nouvelle grille de lecture pour reconsidérer l’élément du handicap et les problématiques qu’il convoque dans la réalité. En effet, avant de pouvoir apporter des améliorations pertinentes à une situation donnée, il faut disposer au préalable d’outils efficaces pour les penser (Chabert, 2008). J’ai choisi d’apporter mon témoignage de personne en situation de handicap moteur au travers d’une même activité, à savoir la natation, réalisée dans trois piscines parisiennes municipales, dans les années 2010. Il faut savoir que toutes trois affichent le logo handicap à leur accueil ou sur leur site internet lorsque je décide de les expérimenter. Ces quelques éléments me permettront de réaliser une typologie sommaire de ce qui me semble prioritaire dans l’accès, au vu de ma situation de personne utilisant un fauteuil. Ces quelques éléments de vécu rapportés déboucheront et enrichiront un questionnement plus large autour des problématiques de l’accès : qu’entend-on traditionnellement par la locution « avoir accès »? Quelle est alors la place de l’être humain? À quel point doit-il être associé à la qualité de l’accès proposé? Enfin, quelle y est sa part de responsabilité? J’ai porté une attention particulière à distinguer ce qui relevait d’une assistance matérielle, et ce qui relevait d’une aide proprement humaine dans le domaine de l’accès. En effet, contrairement à des pays comme l’Allemagne, nous considérons en France qu’un ensemble est accessible à un fauteuil dès lors qu’il n’y a besoin d’aucune intervention humaine autre que celle de l’usager ou de celui qui l’accompagne, et que la technique pourvoit seule aux besoins (Larrouy, 2011). Je remettrai en question cette perspective typiquement française dans le cheminement de mon article. Cette image de l’accès est effectivement très réductrice dans la mesure où, le jour où la technologie est défaillante, l’accès devient impossible. Cette idée imprègne en outre tant les mentalités que les professionnels estiment même parfois qu’en cas de dysfonctionnement, ils n’ont pas à intervenir pour relayer un matériel qui fait défaut. Définir ainsi l’accès nous rend tous très dépendants d’aléas techniques que nous ne pouvons jamais intégralement contrôler. Je soutiens la thèse que l’accès …

Parties annexes