Comptes rendus bibliographiques

PROULX, Marc-Urbain et PRÉMONT, Marie-Claude (2019) La politique territoriale au Québec. 50 ans d’audace, d’hésitations et d’impuissance. Presses de l’Université du Québec, 394 p. (ISBN 978-2760-55117-6)[Notice]

  • Dominique Royoux

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  • Dominique Royoux
    Université de Poitiers

Cet ouvrage d’un grand intérêt établit une longue synthèse des 50 dernières années de politique territoriale au Québec, à travers 14 chapitres d’auteurs différents, regroupés en 3 parties : le chemin parcouru (partie 1), perspectives (partie 2), outils (partie 3). Précède une introduction qui pose avec justesse les grands débats ayant cours au Québec ces dernières décennies, autant sur les défis d’organisation administrative émanant de l’État fédéral, que ceux affrontés à différents niveaux locaux de décision, en mettant en mouvement l’ensemble des acteurs institutionnels et économiques, des corps intermédiaires et des communautés habitantes. Les thèmes mis en avant dans cette introduction et dans l’ensemble de l’ouvrage résonnent avec les questions soulevées dans d’autres contextes territoriaux, notamment dans les pays européens, ce qui en souligne aussi l’actualité et l’intérêt scientifique du moment. Ces thèmes peuvent être synthétisés, de manière transversale, en 10 grands domaines : les interrogations sur l’efficacité des pôles de croissance et leurs liens avec l’arrière-pays ; les relations à construire entre des « territoires-laboratoires » favorisant les actions de développement endogènes et le « mécano » des modalités de décentralisation administrative que le Québec a déployées en continu depuis une quarantaine d’années ; les hésitations dans le pilotage de la démocratisation des formes de gouvernement et de gouvernance entre le niveau étatique et les structures de proximité ; la question de la pertinence des différents découpages territoriaux ; la place des grandes filières de ressources mondialisées dans ces processus ; le devenir des territoires ruraux périphériques et les risques d’aggravation de leur marginalisation ; l’avenir des modes de coordination verticaux et horizontaux ; l’apport et les limites de la mise en oeuvre des projets locaux de développement ; la construction pas à pas de politiques publiques de l’innovation, dans des domaines classiques comme la mobilité ou en matière de diffusion des savoirs de la part d’établissements supérieurs et de recherche ; l’émergence progressive de dispositifs de concertation entre les acteurs politiques et les acteurs de la société civile. Le premier chapitre, à caractère historique, déploie une démarche critique sur la question des périmètres administratifs, en montrant le risque de leur capacité d’instrumentalisation pour répondre aux défis entremêlés des dynamiques institutionnelles, fonctionnelles et identitaires. Le deuxième chapitre analyse de manière convaincante le long processus du « cheminement vers le local » des politiques territoriales au Québec, après une critique documentée de la théorie des pôles de croissance, d’un côté, et des stratégies étonnamment concordantes concernant le développement local, entre entreprenariat et équité, de l’autre. Le troisième chapitre présente une lecture de l’organisation de la planification territoriale au Québec, en insistant sur la nécessité de s’appuyer, aujourd’hui, sur les capacités d’apprentissage collectif et d’engagement en faveur de l’innovation sociale, et pour s’assurer que les acteurs locaux du développement s’investissent en faveur de l’inclusion sociale tout en s’ouvrant aux partenariats avec des réseaux non locaux. Le quatrième chapitre décortique les tensions nées du bilan des fusions municipales et des expériences supramunicipales, et établit ainsi un tableau critique de l’action des municipalités régionales de comté face aux efforts non aboutis d’organisation territoriale régionale de plus grande ampleur. Le cinquième chapitre, qui inaugure la deuxième partie, observe les dynamiques territoriales du Québec « face à ses territoires émergents et déclinants », en insistant sur les défis fonciers qu’elles recouvrent, les difficultés de contenir l’étalement résidentiel, l’utilité [à discuter] dans cette optique d’instaurer des péages urbains. Dans le chapitre suivant, l’auteur insiste sur « le message (…) sans cesse martelé », d’associer aménagement et transports pour conditionner la réussite des politiques de développement territorial. Pour lui, ce message est, d’une part, trop souvent ignoré …