Comptes rendus bibliographiques

SGARD, Anne et PARADIS, Sylvie (dir.) (2019) Sur les bancs du paysage. Enjeux didactiques, démarches et outils. Genève, MétisPresses, 252 p. (ISBN 978-2-94056-342-5)[Notice]

  • Mesmin Tchindjang

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  • Mesmin Tchindjang
    Département de géographie, Université de Yaoundé I

Arrivés à point nommé pour faire évoluer le débat sur les questions de paysage, les textes proposés révèlent la fécondité d’un concept qui a donné lieu à une abondante littérature scientifique depuis les premiers géographes naturalistes des XVIIIe et XIXe siècles (Levy, 2006) jusqu’aux récents développements biogéographiques (Berque, 1996 ; Bertrand et Bertrand, 2002 et 2014), écologiques (Burel et Baudry, 1999 ; Marty et al., 2006), culturels et hodologiques (Jackson, 1984 ; Cosgrove, 1998). Ces contributions montrent à quel point le débat sur le paysage a évolué, sur fond dichotomique (rural/urbain, culturel/moderne, patrimoine/esthétique) et à travers différents prismes : écologie, éthique paysagère (Sgard, 2010), perspectives paysagères (Poullaouec-Gonidec et al., 2005), médiation paysagère (Paradis et Lelli, 2010), politique paysagère, (Terrasson, 2006). Le paysage, palimpseste et objet de tout territoire, est porteur d’homogénéité et d’identité d’une région. Sa lecture, son interprétation et sa caractérisation se sont émancipés du primat du visuel pour devenir multisensoriels (Candau et Le Gonidec, 2013). La pétrification du paysage tient d’une réelle obsession qui nous interpelle avec pertinence : « Que reste-t-il sur terre quand la sensibilité s’absente ? Manifeste pour un paysage jubilatoire ! » Collet (2018). L’ouvrage explique que, quel que soit l’acteur ou le mode d’utilisation, le paysage doit faire l’objet d’appropriation, de débats, et devenir une transdiscipline à part entière. Dans une posture constructiviste, une telle vision permet d’envisager le paysage comme une « perspective d’engagement dans le monde » (Ingold, 1993), sinon de mobilisation. En se servant de l’interdisciplinarité, les auteurs présentent l’activité de formation au paysage au moyen de la perception et de la sensibilité paysagère. Des outils, des démarches et des analyses, ainsi que des dispositifs pédagogiques y sont en outre présentés dans une version numérique de 38 fiches interactives. À la lecture des onze chapitres et de la postface, quatre idées maîtresses ressortent de l’ouvrage analogique, notamment des enjeux d’éducation (didactiques), de politique, de participation et de médiations paysagères, toutes relatives aux controverses publiques. Nous les présentons en deux grandes séquences. Les enjeux didactiques constituent la raison d’être de ce manuel, guide de formation des étudiants en paysage. Les auteurs ont construit le questionnement sur les mises en contact des apprenants avec le terrain, la problématisation par le paysage et les dispositifs de mise en débat. La réflexion prend parfois une tournure à la fois introductive, explicative et conclusive qui situe le lecteur dans la compréhension de la posture épistémologique et didactique adoptée dans l’ouvrage. En effet, la dimension paysagère doit être fortement prise en considération dans toute idée d’aménagement du territoire (schéma directeur d’urbanisme, plan communal de développement, schéma de cohérence territoriale, etc.) pour sortir du paternalisme ambiant en politique. Les méthodes et outils d’enseignement du paysage en situation d’apprentissage cognitif, sensitif et interdisciplinaire représentent la seconde idée forte de cet ouvrage. Inscrites dans une démarche abductive, les méthodes issues de champs disciplinaires variés sont utilisées pour décrypter, analyser et interpréter le paysage sensible. Au-delà de l’aspect caricatural et pictural de cette réalité mouvante, comment former les apprenants à l’invention du paysage ? Comment en finir avec sa pétrification pour le reconstruire en ce siècle dédié ? La pédagogie utilisée par les enseignants, praticiens et acteurs de terrain a consisté, dans un premier temps, à « désenvoûter » et délivrer les étudiants du socle physique et matériel paysager (relief, géomorphologie, végétation et climax) autant que du paysage traditionnel ou historique connu, voire enseigné dans les manuels. Ensuite, les formateurs ont su conduire les apprenants à intégrer les dichotomies notionnelles classiques, découvrir les transformations et les marqueurs du paysage, réaliser une cartition (Christmann et al., …

Parties annexes