Chronique bibliographique

Amélie Binette, Patrick Taillon et Guy Laforest (dir.), Jean-Charles Bonenfant et l’esprit des institutions, Québec, Presses de l’Université Laval, 2018, 452 p., ISBN 978-2-7637-4200-7[Notice]

  • Christophe Otero

…plus d’informations

  • Christophe Otero
    Université de Rouen

Mille et une vies, tel serait le résumé de l’existence – si tant est qu’elle puisse l’être –, dans toutes ses dimensions, de Jean-Charles Bonenfant (1912-1977), lui qui a été journaliste, chroniqueur, directeur de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale du Québec et professeur à l’Université Laval. Procéder à la recension de l’ouvrage qui lui est consacré se révèle modestement une poursuite de l’un de ses multiples centres d’intérêt, car il affectionnait cet exercice auquel il se livrait lui-même. Soif de connaissances, désir d’analyses, volonté de partages, voilà probablement les maîtres mots de l’esprit insufflé par Bonenfant. C’est justement à cet esprit qu’Amélie Binette, Patrick Taillon et Guy Laforest font appel en lui consacrant un ouvrage sous leur direction : divisée en trois parties relatives successivement à Bonenfant l’intellectuel, au fédéralisme et aux institutions parlementaires, la publication entremêle autant des écrits de cet auteur prolifique que des analyses de sa pensée, de sorte à la prolonger. Loin de vouloir séparer l’homme, son oeuvre et son action, les différents textes entendent revenir sur la contribution positive de Bonenfant à la chose publique lato sensu. Dans l’introduction, Binette, Taillon et Laforest examinent l’esprit Bonenfant. Un esprit qui, à l’image de sa vie, est pluridimensionnel car, selon eux, hyperactif, polyvalent, vif, sobre, équilibré et ambivalent. Un esprit qui a participé activement à une meilleure compréhension des institutions démocratiques au Québec et à leur modernisation. Aux yeux de Binette, Taillon et Laforest, toute sa vie, Bonenfant a contribué « à redonner du lustre aux institutions politiques. Il l’a fait en améliorant notre compréhension de celles-ci, en les enseignant et en expliquant leur fonctionnement. Il a servi ces institutions, certes, mais il n’a jamais cherché à les idéaliser, bien au contraire » (p. 4). À ce titre, il a été autant un acteur singulier qu’un spectateur privilégié lui donnant dans l’une comme dans l’autre de ces fonctions une plus-value substantielle. Acteur, car il a contribué effectivement aux institutions par une véritable pratique de celles-ci lui conférant une perception de l’intérieur, et ce, de manière à en avoir une appréhension concrète et réaliste. Spectateur, dans la mesure où ses autres fonctions ont pu lui permettre de conserver, dans le même temps, une distanciation critique que les auteurs envisagent comme un « “décentrement”, qualité que l’on retrouve souvent chez les meilleurs comparatistes et chez les historiens » (p. 16). De ce point de vue, l’érudition de Bonenfant ne se limite pas aux frontières nationales, celui-ci ne pouvant, en effet, rester insensible aux évolutions internationales en cours dans d’autres pays. Le comparatisme, outre la relecture qu’il permet de son propre système, souffle un vent nouveau sur les orientations générales des autres systèmes politique et juridique que l’intellectuel ne peut occulter. La seule analyse de ses écrits pourrait conduire à une perspective passéiste mais, tout au contraire, comme le soulignent ceux qui ont dirigé la publication de cet ouvrage, « [i]l y a bien des raisons de s’intéresser à nouveau à l’oeuvre de Jean-Charles Bonenfant. C’est que le passage du temps semble avoir joué en sa faveur. En effet, la vaste majorité de ses écrits conservent toute leur pertinence et leur actualité » (p. 15). En cela, lire et relire les écrits de Bonenfant s’avère fécond, d’une part, en ce que les problèmes actuels ne sont pas toujours aussi nouveaux que l’on veut, prima facie, le croire ou le penser et, d’autre part, parce qu’il y a toujours des leçons à tirer d’un passé quand bien même il ne serait pas si éloigné. Comme le concluent Binette, Taillon et Laforest, « [a]nimé par l’espoir, par l’idée que …

Parties annexes