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Patrice Groulx, François-Xavier Garneau. Poète, historien et patriote, Montréal, Boréal, 2020, 282 p.[Notice]

  • Micheline Cambron

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  • Micheline Cambron
    Département des littératures de langue française, Université de Montréal

François-Xavier Garneau a beau avoir été désigné comme personnage historique en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel du Québec, sa vie est le plus souvent réduite à quelques images. Aussi y a-t-il longtemps qu’une biographie de François-Xavier Garneau était attendue. Celle que nous propose aujourd’hui Patrice Groulx permet de mesurer à la fois l’originalité du parcours de celui que l’on a désigné comme « notre historien national » et l’ampleur de sa contribution à la société de son temps. Le récit, principalement appuyé sur la riche correspondance de Garneau conservée au Centre de recherche sur la civilisation canadienne-française de l’Université d’Ottawa (CRCCF), est rondement mené, agréable à lire, et le lecteur curieux y fera des découvertes qui éclairent non seulement l’homme et son oeuvre, mais aussi la société canadienne du XIXe siècle. On y trouve une efficace restitution du cadre urbain de Québec, une description dense des mouvements sociaux, politiques et médiatiques au fil des décennies et le déploiement de l’univers épistémologique dans lequel se meut Garneau, depuis sa naissance, en 1808, dans le faubourg Saint-Jean jusqu’à son décès, en 1866. Le récit suit rigoureusement le déroulement chronologique et il apporte du neuf. Beaucoup de neuf. D’abord à propos de la première formation de l’historien. Les événements de la vie de l’enfant et de l’adolescent sont sobrement racontés, au plus près de sources dont la fiabilité est établie (correspondances diverses, textes biographiques de la main de Garneau lui-même) : l’apprentissage précoce de la lecture chez le Bonhomme Parent, les études à l’école d’enseignement mutuel de Joseph-François Perreault, la contribution affectueuse de la famille élargie de Joseph-François Perreault au progrès intellectuel, professionnel et même économique du jeune François. Patrice Groulx met aussi en relief les lieux fréquentés, les déplacements dans la ville qu’impose cette formation, ce qui ajoute beaucoup d’épaisseur à un récit qui se révèle profondément urbain. Il reprend aussi, en la déplaçant dans le temps, l’anecdote du refus de Garneau de s’engager à devenir prêtre afin de pouvoir étudier au Séminaire – ce qui l’aurait empêché d’y accéder. Le récit est vraisemblable, toutefois, à l’époque, il témoigne de la méfiance à l’endroit de Garneau, auquel il sera beaucoup reproché de n’avoir pas fait ses lectures à l’ombre des bons prêtres. Il faut regretter que Groulx n’ajoute aucune autre source que Casgrain, car la dimension autodidacte de la formation de l’historien constitue un important fil d’Ariane dans la biographie. Dans cette même perspective, quelques explications sur l’enseignement mutuel auraient été bienvenues, car plusieurs des initiatives de Garneau participent à ce mouvement qui promeut une éducation pour tous, dont son rôle dans la fondation, en 1834, d’un périodique, L’Abeille canadienne, visant l’instruction des jeunes gens et des ouvriers. En 1825, grâce à Joseph-François Perreault, Garneau entre en cléricature au greffe d’Archibald Campbell, l’un des plus importants notaires de Québec. S’appuyant sur les pièces des greffes et des correspondances, Groulx rectifie notre perception des liens professionnels et personnels que Garneau a entretenus avec Campbell. Alors qu’on tend à croire que Garneau ne pratiqua guère le notariat, Groulx montre qu’entre 1830 et 1842, il signe ou contresigne de très nombreuses pièces (1150) du greffe du Campbell, auxquelles il faut ajouter celles de son propre greffe et de celui de Louis Besserer. Loin d’être présentées comme une sorte de hors-d’oeuvre au travail de l’historien, les autres activités professionnelles de Garneau sont détaillées tout au long de la biographie, y compris dans leur dimension financière, autour de laquelle Groulx peut entrelacer les aléas familiaux et professionnels. Ainsi, pour la période 1833- …

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