Éditorial

Les élections provinciales du 1er octobre 2018[Notice]

  • Michel Sarra-Bournet

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  • Michel Sarra-Bournet
    Membre du Comité de rédaction

S’il est une date dans l’histoire politique récente du Québec que l’on doit associer au « provincialisme », c’est celle des dernières élections générales, tant l’absence d’une vision globale (un projet de société) et d’une vision nationale (le projet d’une société) y était flagrante. En plus des facteurs proprement québécois (vieillissement de la population, déliquescence de la question nationale et effet déformant du mode de scrutin), on a vu s’immiscer dans cette campagne, en version atténuée, des phénomènes contemporains qui touchent l’ensemble des démocraties occidentales (clientélisme, populisme, « dégagisme », baisse de l’identité partisane et imprévisibilité de l’électorat). Retour sur des élections « provinciales ». Doit-on absolument revenir sur les résultats ? Oui, mais en les présentant autrement. Au-delà d’un « balayage caquiste », nous avons été les témoins de l’ascension de deux jeunes partis, l’un de droite, l’autre de gauche, aux dépens de deux vieux partis, l’un de droite et l’autre de gauche. Laissés à mijoter dans un mode de scrutin pluralitaire uninominal à un tour, ces mouvements d’opinions ont produit un système de partis qui donne à penser qu’un réalignement partisan est en cours, pour la première fois depuis 1970. Les vieux maîtres de science politique considèrent comme élection de réalignement, celles qui « manifestent des modifications dans les forces à long terme, quelle que soit l’action des forces à court terme ». Quid de l’élection de 2018 ? À un certain niveau, on peut simplifier la chute respective du PLQ et du PQ par la perte de contact de ces deux partis avec, respectivement, les régions francophones et les jeunes. On pourrait penser que ces transferts de votes se sont faits directement au profit de la CAQ et de QS. Mais ce serait faire fi des autres facteurs, en eux-mêmes inquiétants, que sont la baisse de l’attachement partisan et de la participation électorale. Il faut être prudent lorsqu’on fait des relations entre les variables à partir sondages et de résultats électoraux. Le vieillissement de la population est une variable extérieure qui vient brouiller les cartes. Elle a joué de manière paradoxale. D’une part, elle a rendu l’électorat globalement plus conservateur, d’où, sans doute, la prédominance globale du vote de droite. D’autre part, le passage dans l’au-delà d’un nombre grandissant de baby-boomers a ouvert la porte à une nouvelle génération d’électeurs qui, dans la mesure où elle a voté, a capté l’intérêt de tous les partis dans leur offre politique. Les 18-34 ans sont dorénavant un électorat qui pèse plus lourd et avec lequel il faut compter. Si les baby-boomers ont pu maintenir une influence prépondérante durant cinquante ans, c’est que cette génération était plus nombreuse que celle qui la précédait, et que celle qui la suivait. Ce n’est guère plus le cas. Cet électorat qui jadis était la base électorale du PQ, perd de son influence et ce qui en reste a lorgné vers la CAQ. Quant aux quelques jeunes encore attirés par le parti fondé par René Lévesque, qui l’appuyaient encore en 2012, et qui ont voté cette année, plusieurs semblent avoir été tentés par QS. QS a bien compris l’importance de ce nouvel électorat et s’est intéressé aux milléniaux et aux membres de la génération Y. Il faut dire que cet électorat plus jeune considère la souveraineté au second plan, ce qui correspond au credo de QS qui place le social avant le national. C’est une première raison pour laquelle il faut être prudent en concluant qu’en additionnant les votes au PQ et à QS (33 %), on retrouve le total du vote indépendantiste. La seconde raison est qu’une partie …

Parties annexes