Hors-dossierRecensions

Marc-André Éthier, Vincent Boutonnet, Stéphanie Demers et David Lefrançois, Quel sens pour l’histoire ? Analyse et critique du nouveau programme d’histoire du Québec et du Canada, Saint-Joseph-du-Lac, M Éditeur, 2017, 109 p.[Notice]

  • Raphaël Gani

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  • Raphaël Gani
    Université d’Ottawa

Dans leur « manifeste » (p. 8) publié chez M Éditeur, Marc-André Éthier et ses collaborateurs font la promotion du modèle de la pensée historienne. Ce modèle vise à ce que les élèves reproduisent, en classe d’histoire, les techniques de travail de l’historien, comme l’analyse d’archives et l’attribution des causes-conséquences à un événement. Selon les auteurs qui sont aussi didacticiens de l’histoire, ce modèle devrait avoir préséance sur les autres éléments du nouveau programme d’Histoire du Québec et du Canada. Celui-ci adopte un cadre chronologique réparti entre le 3e et le 4e secondaire, avec comme point de bascule l’année 1840. Fait à noter, même si le sous-titre du manifeste annonce une analyse et une critique de ce nouveau programme, celles-ci ne sont étayées qu’à partir de la moitié du livre. Au premier chapitre, Yelle et Déry, à partir du contenu de leur mémoire de maîtrise, présentent « les plus importants résultats de la recherche récente en didactique de l’histoire » (p. 15-16). Ces recherches qualifiées de complémentaires sont classées selon trois écoles de chercheurs (britannique, canadienne-anglaise et américaine), illustrant l’intérêt scientifique envers le modèle ainsi que sa cohérence théorique. Enfin, les deux auteurs détaillent les « actions cognitives concrètes » (p. 28) pratiquées par les historiens, formalisées par les didacticiens et qui orientent l’apprentissage d’un mode de pensée historienne. Le deuxième chapitre, écrit par Éthier et Lefrançois, trace un « rapide portrait » (p. 50) des programmes d’histoire au Québec depuis 1938, en focalisant sur l’inclusion du modèle que le collectif défend. Le programme publié avant 1960 serait rétrograde, asservi à la nation catholique canadienne-française, alors que le Rapport Parent des années 1960, par sa promotion de l’histoire scientifique, aurait engendré une nécessaire rupture. La valorisation d’une histoire dite « scientifique » (p. 51) et « moins biaisée » (p. 54) se déploierait surtout à partir du programme de 1982. Puis, vint le programme de 2006, décrit à partir du débat mené contre ce dernier, et par conséquent, contre l’accent placé sur le développement de compétences apparentées à la pensée historienne. La description sommaire de l’ambiguïté constitutive et donc de l’inachèvement du nouveau programme conclut ce chapitre : « il oscille entre une approche scientifique et méthodique de l’histoire et une définition de son rôle patrimonial l’associant à la mémoire » (p. 58). L’analyse du contenu du nouveau programme présentée au chapitre 3 s’effectue surtout à partir d’une démonstration de ses faiblesses. La première serait le recours à une « liste d’épicerie » (p. 71) de 465 connaissances essentielles déclinées à la fin de huit périodes historiques, et ce, sans hiérarchisation (lesquelles apprendre en premier ?), sans verbe d’action (ex. analyser ou identifier ?), et sans fil conducteur (quelle narration ?). La deuxième se trouverait dans les textes de présentation de ces huit périodes historiques couvrant les « origines » du Québec à « nos jours », s’étalant sur environ deux pages, qui ne présenteraient ni problématique ni recours à des débats historiographiques. Selon l’auteur du chapitre, Vincent Boutonnet, le Rapport Beauchemin-Fahmy-Eid « propos[ait] des éléments plus concrets et mieux structurés » (p. 78), mais peu suivis par les rédacteurs contraints par des « pressions ministérielles » (p. 78). La faiblesse la plus problématique serait que le programme ne s’appuierait « sur aucune donnée probante de la recherche en didactique de l’historique » (p. 79). On comprend dès lors que ses rédacteurs n’auraient pas reconnu et mobilisé à leur juste valeur les recherches documentant les bienfaits de la pensée historienne. Dans le quatrième chapitre, Stéphanie Demers consolide la critique énoncée précédemment envers un programme ambigu, aux …