Comptes rendus

Steven Huebner, Les opéras de Verdi : éléments d’un langage musico-dramatique, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, collection « PUM », 2017, 368 p. ISBN 978-2-7606-3302-5[Record]

  • Ruben Vernazza

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  • Ruben Vernazza
    Chercheur postdoctoral, Università degli studi di Milano

Au cours des décennies 1980 et 1990, l’analyse musicale a joué un rôle de tout premier plan dans les études sur l’opéra italien du xixe siècle. La longue vague du paradigme structuraliste, d’une part, et, d’autre part, l’intérêt croissant pour la composante strictement textuelle des opéras, décliné entre autres dans les grands projets d’éditions critiques, ont conduit les chercheurs à s’interroger davantage sur les règles formelles qui organisaient le travail créateur des principaux auteurs (compositeurs et librettistes) de cette période. Récemment, l’espace consacré à l’analyse s’est rétréci pour faire place à d’autres tendances de la recherche ; il n’empêche que des concepts fixés il y a presque 40 ans (tels que solita forma ou lyric form ; nous y reviendrons) restent des outils presque incontournables pour les chercheurs. Verdi est sans aucun doute l’un des compositeurs qui ont le plus attiré l’attention des analystes, et ce, encore très récemment : en témoignent deux séminaires organisés en 2017 et 2018 par l’Istituto nazionale di studi verdiani de Parme, au cours desquels des spécialistes reconnus ont été appelés à réfléchir sur les méthodes d’analyse de l’oeuvre théâtrale du compositeur. Cet intérêt découle de la position prééminente de Verdi dans l’histoire de l’opéra, bien sûr, mais aussi de la tendance distinctive de ce compositeur à manipuler sans cesse le vocabulaire musical, poétique et dramatique qui était jusque-là partagé avec ses contemporains, afin de façonner sa propre idée de théâtre musical. On sait que Verdi a démontré une capacité extraordinaire de mettre à jour son langage tout au long d’une carrière qui se déroula sur plus d’un demi-siècle : les différences stylistiques entre sa première création, Oberto, conte di San Bonifacio (1839), et la dernière, Falstaff (1893), sont si profondes que le profane pourrait facilement croire qu’il se trouve en présence d’opéras de deux compositeurs différents. Cette hétérogénéité a conduit les analystes à privilégier des approches ponctuelles, c’est-à-dire à se concentrer soit sur des aspects linguistiques et formels limités, soit uniquement sur certains opéras. Steven Huebner, professeur à l’École de musique Schulich de l’Université McGill, chercheur dont les travaux ont beaucoup influencé les études sur Verdi, met en place, avec la monographie Les opéras de Verdi : Éléments d’un langage musico-dramatique, pour la première fois une approche globale. L’auteur se penche sur tous les opéras en langue italienne de Verdi pour analyser « systématiquement le langage musical » du compositeur, « selon une méthodologie englobant de façon synthétique paroles, modalités d’écriture, style mélodique, forme et planification tonale » (p. 14). Le travail est organisé de manière thématique, méthode qui permet de dégager d’abord les éléments de continuité présents dans le langage de Verdi : à partir de ceux-ci, sont décrites les déviances et les évolutions. Le livre est divisé en cinq chapitres : les quatre premiers découlent d’autant de conférences tenues en 2011 à l’Université de Montréal, tandis que le dernier chapitre était déjà paru, sous forme d’essai, en 2004. Le premier chapitre (« Versification et prosodie ») est consacré à l’analyse de la versification poétique italienne en général, et à celle des livrets de Verdi en particulier. En s’appuyant sur une littérature scientifique solide, Huebner fournit d’abord un recueil essentiel des règles de base de la métrique italienne, puis se concentre sur les formes couramment utilisées par les librettistes du xixe siècle. La différence entre vers sciolti (« libres », caractéristiques des récitatifs) et vers lirici (« lyriques », caractéristiques des numéros musicaux) et entre vers parisillabi (qui ont un nombre pair de syllabes) et vers imparisillabi (au nombre impair) est ainsi précisée. Le chercheur s’appuie sur cette explication pour …

Appendices