Recensions

Idil Atak et James C. Simeon, dir, The Criminalization of Migration: Context and Consequences, Montréal-Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2018[Record]

  • Cloé Dubuc

Candidate à la maîtrise en droit.

Avec la transformation du fait guerrier, on assiste, ces dernières décennies, à une recrudescence de la violence et à une multiplication des conflits prolongés. Cette double prolifération des conflits et de la violence a engendré un nombre record de personnes déplacées de force dans le monde. Il a atteint près de 80 millions pour l'année 2019, soit deux fois le nombre de 2010. Cet important « flux migratoire » doublé au paradigme grandissant de la sécuritisation ont entrainé des réponses diverses de la part des États transitaires ou d'accueil. Parmi celles-ci, la criminalisation de la migration par l'utilisation de politiques ou de mesures de droit criminel a fait large consensus. C'est de cette tendance partagée que les codirecteurs − Idil Atak (professeure associée au département de criminologie de l’Université de Ryerson) et James C. Simeon (coordonnateur des groupes de travail de l’International Association of Refugee and Migration Judges et professeur associé à l’Université York) − ont tenté d'en dégager le contexte et les conséquences, portant une attention particulière aux politiques et pratiques du Canada. En dressant un tableau précis et détaillé de la « crimmigration », cet ouvrage collectif tente de stimuler un débat sociétal au sein d’un public cible très large, allant de la communauté universitaire aux décideurs politiques. Il prend racine lors de la conférence annuelle de la Canadian Association for Refugees and Forced Migration Studies en 2015, organisée par l’Université de Ryerson, regroupant les présentations de chercheurs, professionnels et juristes spécialisés en la matière. L’ouvrage compte douze articles de seize experts, rassemblés en quatre parties : « The Criminalization of Migration and its Intended and Unintended Consequences » (1), « The Criminalization and the Exclusion of Refugees in Canada and Abroad » (2), « Crimmigration Responses to “Migration Crises” : Historical and Comparative Perspectives » (3) et « Criminalizing Refugees and Other Forced Migrants : Current Dynamics, Future Challenges, and Prospects » (4). Ces sections seront d'ailleurs présentées séparément vu l'absence d'une thèse centrale et le peu de liens apparents entre celles-ci. L’ensemble des contributeurs adoptera une perspective légaliste, variant à divers degrés selon leur champ d'expertise. Pour appuyer leur propos, les chercheurs useront d’études comparatives, d’approches historiques et de recherches empiriques. C’est d’ailleurs par la richesse de ces contributions et la diversité des approches méthodologiques que l’ouvrage se différencie de la littérature existante sur le sujet. Son caractère interdisciplinaire est fait innovateur. La première partie de l'ouvrage, intitulée « The Criminalization of Migration and its Intended and Unintended Consequences », se consacre à l'analyse de la « crimmigration » par son processus juridique de formation et ses conséquences. En ouverture, Graham Hudson propose l'utilisation de l'analogie par les juges canadiens, afin de prouver que les pratiques migratoires et criminelles mettent en jeu les mêmes principes sous-tendant les droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés. Ce faisant, les mesures de détention et de déportation prévues par le droit de l'immigration pourraient être considérées comme des pratiques punitives au regard du droit criminel. Engageant de facto le principe de proportionnalité, Hudson souligne les intérêts moral et juridique d'une telle protection constitutionnelle plus large. Malgré sa pertinence, l'approche théorico-philosophique de l'auteur rend la lecture quelque peu complexe et crée une divergence méthodologique avec les chapitres suivants. La contribution d'Angus Grant, au deuxième chapitre, permet de comprendre les impacts de la lutte contre le trafic humain sur la criminalisation de la migration. L'auteur souligne que plusieurs juridictions adoptent une législation dite overbroad par rapport à leurs obligations internationales, telles qu'en vertu de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (CNUCTO …

Appendices