Des pratiques à notre image

L’évaluatrice externe comme médiatrice entre l’organisme communautaire et le bailleur de fonds[Record]

  • Sophie Wertheimer

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  • Sophie Wertheimer, PhD
    Consultante indépendante en recherche communautaire et en évaluation de programmes

L’évaluation est une pratique qui rassemble plusieurs composantes d’un même rôle : capacité de recherche, d’analyse, de synthèse ; élaboration et application d’outils et de méthodes de collecte de données ; rédaction ; mathématiques et statistiques, etc. C’est d’ailleurs cette grande variété de tâches qui m’a tout d’abord attirée vers la carrière d’évaluatrice, et qui me garde tout aussi passionnée après six années de pratique. Ce qui me plaît par-dessus tout dans l’évaluation, c’est qu’il s’agit d’un métier à vocation sociale, et d’une mesure concrète pour renforcer le secteur des organismes communautaires, grande priorité de mon activité professionnelle. C’est guidée par ces principes que j’exécute mes fonctions d’évaluatrice externe, et qu’au fil du temps, j’en suis venue à conclure que mon rôle d’évaluatrice avait en quelque sorte un rôle de médiation entre mes clients — les organismes communautaires — et leurs bailleurs de fonds. Dans cet article, je m’appuie sur mon expérience pratique pour explorer l’idée de l’évaluatrice comme médiatrice. En me penchant sur trois catégories d’intervention en évaluation — l’évaluatrice comme traductrice, l’évaluatrice comme alliée, et l’évaluatrice comme éducatrice — j’espère proposer une autre façon de penser à la relation entre l’évaluatrice, l’organisme et le bailleur de fonds. J’entreprends cet exercice de réflexion en toute modestie. Loin de vouloir prendre le crédit pour le travail important que mènent les organismes communautaires de première ligne avec lesquels je collabore, je pense qu’il est néanmoins utile d’examiner le rôle de l’évaluatrice externe. En comprenant les différentes facettes de ce rôle, il est alors plus facile de comprendre comment l’évaluatrice peut appuyer les organismes afin qu’ils optimisent leurs relations avec les bailleurs de fonds, et leur offre de services aux personnes qui en ont besoin. En tant que consultante en évaluation, j’ai le privilège d’accompagner des organismes communautaires dans l’évaluation de leurs activités et de leurs programmes. Mes clients sont des organismes qui offrent des services aux membres de communautés marginalisées, telles que les personnes utilisatrices de drogues, les personnes immigrantes et réfugiées, les personnes incarcérées, et les personnes issues de la diversité sexuelle et de genre. Ces organismes reçoivent leur financement de bailleurs de fonds publics, tels que les instances gouvernementales provinciales et fédérales, de fondations, et de sociétés privées par leurs programmes de responsabilité sociale. Les organismes consacrent une bonne proportion de leur temps et de leur énergie à interagir avec leurs bailleurs de fonds, soit lors du dépôt de demandes de financement, soit lors d’autres interactions visant à rendre des comptes. Parfois, le bailleur de fonds ne pose que des questions très générales, laissant à l’organisme une bonne marge de manoeuvre pour identifier les éléments importants de ses activités, et les méthodes requises pour en démontrer l’atteinte. Mais, de plus en plus, les organismes sont tenus de comptabiliser le fruit de leurs activités et d’émettre des rapports qui s’inscrivent dans une approche de mesure du rendement. Cela reflète des processus s’opérant à plus large échelle, y compris au niveau du Conseil du Trésor du Canada, dont la Politique sur l’évaluation et ses instruments a été remplacée par la Politique sur les résultats en juillet 2016. Cette politique a pour objectifs de « contribuer à une meilleure réalisation des résultats à l’échelle du gouvernement » et « de permettre une meilleure compréhension des résultats que le gouvernement cherche à atteindre et atteint ainsi que des ressources utilisées pour y parvenir » (Secrétariat du Conseil du Trésor, 2016). Selon cette politique et les directives qui l’accompagnent, les Ministères sont tenus d’établir des objectifs clairs dans le cadre des programmes qu’ils entreprennent et financent, et de mettre en place des mécanismes de …

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