Lu pour vous

GARNEAU, Stéphanie, et Dahlia NAMIAN (dirs.) (2017). Erving Goffman et le travail social, Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 311 p.[Record]

  • Hélène Le Scelleur

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  • Hélène Le Scelleur
    Étudiante au doctorat en service social, Université d’Ottawa

Avant d’entrer dans le vif du sujet, les auteures Stéphanie Garneau et Dahlia Namian ont cru important, en introduction, de brosser un portrait de la carrière d’Erving Goffman, ce qui nous amène à faire un retour sur la tradition de Chicago et l’histoire des disciplines du travail social et de la sociologie, ainsi que des événements qui ont contribué à creuser le fossé entre les deux. Cette introduction, intitulée Erving Goffman, passeur contemporain entre le travail social et la sociologie?, nous conduit à explorer les influences qui ont contribué à l’oeuvre entière de Goffman. De ses débuts académiques canadiens, qui sont teintés de métaphores cinématographiques en raison de son passage à l’Office national du film, à ses moments à l’Université de Toronto, où les enseignants C.W. Merton Hart et R. Birdwhistell l’initient à une échelle d’observation qui tient compte d’une analyse très détaillée des comportements humains et, enfin, à son arrivée aux études supérieures à l’Université de Chicago, où il sera grandement influencé par les travaux d’Everett Hugues, les auteures nous ramènent dans les coulisses de la vie de cet héritier de la tradition de Chicago pour jeter un regard précis sur la possibilité de maintenir ce lien entre cette tradition et le travail social. La partie 1, Goffman : Quelle posture épistémologique pour le travail social?, qui comprend les chapitres de Stéphanie Garneau, Vincent Dubois et Marc Loriol, traite de la posture épistémologique goffmanienne, notamment en abordant le couplage flou qui existe entre les niveaux micro et macro de la réalité sociale et l’ordre des interactions de la vie quotidienne qui en émergent. Stéphanie Garneau nous propose, entre autres, que la contribution de Goffman, en tant que critique sociale, permet un apport au travail social « d’au moins trois ordres : 1) éviter de sombrer dans le moralisme et la normativité; 2) donner forme aux capacités d’action, tant des “dominants” que des “subordonnés”; 3) favoriser la découverte de sources et d’effets insoupçonnés du pouvoir » (p. 56). La posture épistémologique de Goffman permettrait à la recherche en travail social, par l’utilisation d’échelles d’observation plus micro et méso du réel, une critique réflexive et consciente d’elle-même. Vincent Dubois poursuit dans une visée où l’institution jouerait un rôle dans l’articulation de l’ordre de l’interaction et de l’ordre social. Il propose en effet d’envisager empiriquement cette relation entre les deux ordres en contextualisant et en historicisant les institutions « selon leur type, le type de populations qu’elles gèrent et le type de problèmes auxquels elles répondent » (p. 86). Ce chapitre, qui porte sur les résultats d’une enquête de terrain réalisée en France au sujet des effets du pouvoir bureaucratique sur les individus qui reçoivent de l’aide sociale, nous montre que les bureaucraties sociales en tant qu’institution, à l’ère du post-welfare, participent concrètement à l’articulation de l’ordre social et de l’ordre de l’interaction. À son tour, Marc Loriol fait un rappel de l’approche épistémologique goffmanienne par le biais de la carrière morale. Il s’est notamment attardé à la « carrière des malades du syndrome de fatigue chronique » à travers une recherche effectuée à partir de témoignages trouvés sur Vulgaris médical, un forum de discussion français. Il conclut, tout comme Dubois, que les institutions contribuent à façonner et à structurer les parcours individuels, et le concept de « carrière » permet ainsi de « replacer les trajectoires dans un contexte social plus large » (p. 103). La partie 2, Les apports conceptuels de Goffman pour penser le travail social, réunit les contributions de Laurie Kirouac, Dahlia Namian, Henri Dorvil, Baptiste Brossard, Audrey-Anne Dumais Michaud et Romain Paumier, …