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Néo-libéralisme, inégalités et minorité : le point de vue d’un sociologueEntrevue avec Donald Dennie[Record]

  • Rachid Bagaoui

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  • Cette entrevue a été réalisée et rédigée par
    Rachid Bagaoui

Cette entrevue, réalisée et rédigée par Rachid Bagaoui, porte sur le parcours de Donald Dennie, la découverte du marxisme, le néo-libéralisme et les inégalités ainsi que les inégalités en contexte minoritaire.

Donald Dennie : J’étais journaliste pour le journal Le Droit, un quotidien d’Ottawa. J’ai fait, tout en travaillant, une maîtrise en sociologie à l’Université Carleton parce que je pensais que ça m’aiderait à comprendre davantage la société. Comme journaliste, je vais essayer de comprendre — en tout cas, pour moi — de comprendre davantage ce sur quoi j’écris des textes. Alors voilà, j’ai fait ma maîtrise et ensuite je suis revenu dans la région de Sudbury pour faire de la recherche essentiellement et continuer comme journaliste en tant que correspondant du journal Le Droit. Et d’une chose à l’autre, le Département de sociologie m’a demandé de poser ma candidature à un poste – ce que j’ai fait – et j’y suis demeuré pendant 35 ans. Donald Dennie : Assez curieusement, c’était la sociologie de la religion, et ça a vite changé lorsque j’ai commencé à faire la lecture de Karl Marx, surtout les Manuscrits de 1844, L’Idéologie allemande et ensuite Le Capital. J’ai alors commencé à m’intéresser aux classes sociales et aux distinctions à l’intérieur des communautés francophones, n’ayant jamais beaucoup communié — si je peux employer ce mot-là — à l’idée qu’il y ait une société franco-ontarienne et qu’il y ait une communauté, pour des raisons que je ne peux m’expliquer, je n’ai jamais pu communier à cette idéologie. J’étais beaucoup plus intéressé à comprendre ce qui pour moi était la vraie, entre guillemets, « structure » de la société. Donc, j’ai fait beaucoup de travaux sur les communautés ou la population de langue française de la région de Sudbury principalement. Donald Dennie : Je pense que c’était peut-être la mode à l’époque, début des années 1970, Marx était à la mode. Puis, quand j’ai fait ma maîtrise en sociologie, évidemment on m’a bourré le crâne avec des auteurs comme Parsons et ensuite un peu Durkheim et beaucoup Weber. Et Weber, je l’aimais beaucoup et je l’aime encore. J’aime encore Weber. Comme Marx est devenu à la mode dans les années 1970, j’ai commencé, par intérêt et par curiosité, à lire surtout ses écrits qu’on dit humanistes des années 1840, les Manuscrits de 1844. Et de là, j’ai lu Le Capital et j’ai beaucoup aimé sa façon d’analyser la société capitaliste ou, du moins, l’économie capitaliste. Ça m’a beaucoup interpellé. Donald Dennie : Au sein de la communauté dans laquelle je vivais, qui était francophone, il y avait certainement un renouveau culturel, et on remettait en cause beaucoup des assises culturelles et idéologiques de ce qu’on avait vécu, des assises qui étaient branchées sur l’église et toutes ces choses. On remettait tout ça en cause. Il y avait comme un remue-ménage intellectuel, pas seulement ici mais également au Québec et aussi dans les lectures que je faisais, dont celles de Gilles Bourque et d’autres qui essayaient de faire un mélange ou un amalgame de classes sociales et de nationalisme. Et voilà, j’ai donc commencé à faire ces lectures et regardé tout ce remue-ménage. À l’époque, j’étais aussi un peu impliqué avec les animateurs socioculturels. Il y avait entre autres Jean-Robert Marcoux, qui était ici et qui essayait d’animer non seulement et pas uniquement ce qu’on appellerait les élites, qui ont toujours milité et travaillé au sein de la situation canadienne-française de l’Ontario, mais il voulait aussi animer les gens qu’il appelait « à la base ». Il a donc formé un comité de citoyens, et les gens s’intéressaient beaucoup plus au logement ou à l’alimentation, à des choses qui les touchaient de près, et non pas uniquement aux questions sur l’éducation, les droits linguistiques …