Éditorial

La souffrance psychique et morale au travail — Enjeux pour les professionnels du secteur de la santé et des services sociaux[Record]

  • Stéphane Richard and
  • Melchior Mbonimpa

L’appel de communications diffusé pour le présent numéro de Reflets s’adressait à toute personne désireuse d’écrire sur le thème de la souffrance psychique et morale au travail chez les professionnels du secteur de la santé et des services sociaux. Dans un premier temps, fidèles à la mission de la revue, nous voulions explorer ce thème en lien avec les francophones vivant en situation minoritaire. Nous étions persuadés de rejoindre un large public francophone tant au Canada qu’ailleurs dans le Monde. Autrement dit, puisque l’on pouvait écrire aussi bien sur les causes structuro-organisationnelles et les effets de la souffrance au travail que sur les méthodes de faire-face qui s’y rapportent, nous pensions que la discussion interprofessionnelle des francophones sur ces sujets serait aisée. Mais nous avons dû nous rendre à l’évidence : la plupart des textes proposés, bien que nombreux et intéressants, n’abordaient pas directement la question sous l’angle de la francophonie. Nous avons alors modifié le thème, qui maintenant se formule ainsi : La souffrance psychique et morale au travail — Enjeux pour les professionnels du secteur de la santé et des services sociaux. Dans un second temps, nous espérions que les professionnels du secteur de la santé et des services sociaux trouvent dans notre rubrique Des pratiques à notre image une occasion de s’exprimer sur la souffrance psychique et morale que certains d’entre eux vivent au travail. Or, aucun article n’a été proposé sur le sujet. Ce silence suscite plusieurs réflexions. Même si la souffrance psychique et morale au travail retient de plus en plus l’attention des chercheurs, des employeurs et des gouvernements provinciaux, il semble encore difficile pour les professionnels de parler librement de ce qu’ils vivent au quotidien ou encore du faire-face auquel ils ont recours en réponse à ce qui ne va pas au sein des organismes qui les emploient. En effet, dans un idéal de pratique qui fait souvent appel au phénomène de superwoman ou de superman capable de résister à tous les facteurs de stress imaginables, il peut être risqué de dire que l’on souffre au travail, et surtout, que cette souffrance puisse altérer la capacité à être présent à soi-même et à autrui dans l’exercice de ses fonctions. Bien souvent, les travailleuses sociales et les travailleurs sociaux taisent leur souffrance pour éviter d’être sanctionnés par le syndic de leur ordre professionnel ou par l’employeur. Leur silence pourrait également s’expliquer par le souci d’être perçus comme excellents dans cet espace de travail rendu compétitif. Avouer que l’on souffre peut être synonyme de médiocrité, de psychasthénie ou de faiblesse. En un mot, bon nombre de professionnels considèrent que dire leur souffrance à autrui est contraire à l’éthique, à la dignité de la profession. Recourons à quelques citations pour mieux comprendre : On cherche peut-être aussi par ce silence à éviter d’être seul à critiquer les institutions, les lois, les politiques sociales et organisationnelles responsables de la souffrance au travail. En outre, si un professionnel observe que dans l’organisation où il travaille, certains sont victimes d’épuisement professionnel (burnout) et d’autres non, il sait qu’au-delà des causes structuro-organisationnels de la souffrance au travail, il y a des facteurs qui relèvent des personnes elles-mêmes, entre autres, traits de caractère, personnalité, cognition et capacité de résolution de problème. Il peut donc s’avérer délicat de signer un texte qui dévoile à autrui (collègue, employeur, famille, etc.) la façon dont on fait face à la souffrance au travail. Pourquoi écrire que l’on souffre professionnellement pendant que d’autres s’épanouissent dans le même environnement de travail? Quelles sont les conséquences liées à la prise de position publique comme professionnel? Que peut-il …

Appendices