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La médicalisation se présente comme l’attribution d’un caractère médical à des phénomènes qui n’étaient pas auparavant considérés sous cet angle (Lamarre, Mineau et Larochelle, 2006). La tendance croissante vers la médicalisation est associée au déclin du pouvoir de l’Église, à une foi accrue dans la science et à une montée de l’individualisme (St-Amand, 2011; Suissa, 2009). L’étendue de l’idéologie néolibérale alimente également la médicalisation puisque la médecine se charge des individus jugés inaptes pour le marché du travail en les qualifiant de « malades », pour ensuite les « traiter » afin qu’ils adhèrent à la norme productive (Suissa, 2009). C’est ainsi qu’on assiste à la « montée en puissance de la médecine et à l’élargissement de son champ de compétences » (Pierret, 2008, p. 49). Son rôle va maintenant bien au-delà du traitement de lésions corporelles et son implication dans la folie en est un exemple indéniable. Par contre, la médicalisation est une approche simpliste et contribue notamment à l’individualisation de la folie en liant des caractéristiques biologiques et psychologiques à cette construction sociale. Le présent article propose une réflexion critique sur la médicalisation en santé mentale, réflexion alimentée par mes expériences d’intervenante dans des résidences desservant une population diagnostiquée d’une maladie mentale. Je montrerai comment la tendance à l’individualisation est manifeste dans le domaine du travail social, je parlerai des limites qui y sont associées et je conclurai en proposant des stratégies permettant d’en contrer les méfaits.

Une intervention sociale dépourvue du collectif

L’individualisation de l’analyse

La médicalisation transcende la vision biopsychosociale privilégiée en intervention auprès de personnes atteintes d’un problème dit de santé mentale. Selon cette vision, un évènement déclencheur engendre la maladie, cette dernière étant maintenue et développée par l’interaction de facteurs biologiques, psychologiques et socioculturels (Huberdeau, et collab., 2011). On pense ainsi en matière de facteurs de risques individuels, tels que les neurotransmetteurs, les cognitions et les stresseurs. Le problème est donc envisagé à partir de la « maladie » qu’est la folie, plutôt qu’à partir de conditions structurelles à l’origine des difficultés qu’éprouve la personne.

Des interventions médicalisées

On intervient sur le plan des caractéristiques individuelles pour contrôler la maladie et apaiser ses symptômes. Puisque les analyses explicatives imprègnent la médecine, elles le font également au chapitre des solutions à prescrire. D’une part, nous, les intervenantes et intervenants, nous jouons un rôle dans la pharmacothérapie (Collin et Suissa, 2007). Certaines de nos tâches incluent en effet la gestion et l’administration de médicaments, incluant même parfois des drogues quelconques. D’autre part, souvent contraints par les lois, nous participons à l’institutionnalisation médicale des personnes atteintes de maladie mentale lorsqu’elles sont jugées dangereuses pour elles-mêmes ou pour les autres (Kaiser, 2009). Notre rôle devient alors un prolongement des professions médicales.

Une fois les individus médicamentés et agissant dans la norme de ce qui est défini comme socialement acceptable, nous travaillons à leur réintégration sociale, entre autres, sur le plan de l’enseignement des habiletés de vie, telles que les tâches ménagères, la cuisson et la planification financière (Ehrenberg, 2005). Nous rencontrons également les individus afin de discuter de leurs objectifs personnels en ce qui concerne, entre autres, leur santé mentale, leur éducation, leur logement ou leur appropriation d’un emploi.

En somme, nous tentons de modifier le comportement des personnes puisque nous identifions le problème comme résidant en eux. Le tout, dit-on, facilite la vie des individus vivant avec ce « handicap » (Ehrenberg, 2005). On témoigne ainsi d’une individualisation de l’intervention, puisque l’accent est mis sur l’anormalité de la personne et sur sa nécessité de s’adapter à des structures sociales axées sur la productivité socioéconomique.

Les outils médicaux employés par les intervenants

Par ailleurs, il est intéressant de noter que nous empruntons parfois des outils au domaine médical. En effet, nous utilisons fréquemment le DSM IV-TR afin de nous renseigner sur les « symptômes » des « maladies », dans le but de nous assurer que les diagnostics conviennent aux personnes auprès desquelles nous intervenons. Or, quoique l’on doute parfois du diagnostic apposé, nous ne contestons jamais le fait que la personne est « malade »; nullement ne critiquons-nous la prise en charge des difficultés par l’institution médicale. Ainsi, nous intervenons toujours dans les limites de la psychiatrie.

Une nomenclature médicalisée

On remarque finalement une forte influence de la médicalisation dans le vocabulaire utilisé puisqu’on étiquette les individus atteints d’une maladie mentale de « clients », de « patients » ou de « malades » (St-Amand, 2011). On pense ainsi en matière de « normal-pathologique, adapté-inadapté, fonctionnel-dysfonctionnel, conforme-non conforme » (Otero, 2005, p. 67), le tout étant empreint de la logique médicale. Ce langage, à la fois offensant et démotivant, se focalise donc sur l’état et le comportement individuel des citoyens, ainsi que sur leurs problèmes, leurs lacunes ou leurs différences.

L’individualisation des problèmes sociaux : une avenue dangereuse

Une explication simpliste

Quoiqu’elle mette en lumière l’individu, son cercle social et sa biologie, la médicalisation est une explication limitée et simpliste.

En premier lieu, elle ne considère pas les rapports sociaux générant la notion de « maladie mentale » (Gori et Del Volgo, 2011). Puisque les normes sont définies selon le contexte social et politique, l’anormalité et la pathologie sont dynamiques. La maladie mentale est donc moins absolue qu’un produit normatif et contextuel influencé par les rapports de pouvoir (Bedin et Fournier, 2009; Ehrenberg, 2005; Guberman, 1990; Otero, 2005).

De plus, en omettant les facteurs structuraux, l’individualisation ne considère aucunement que les difficultés éprouvées — les « maladies mentales » — puissent être liées à l’état politique et économique du monde (Jacques, 2004). Par exemple, on mentionne que la pauvreté est un « facteur de risque » additionnel influençant le développement de la « schizophrénie », mais on ne considère pas que les conditions opprimantes menant à la pauvreté puissent engendrer les comportements et pensées hors normes caractérisant cette maladie. Par ailleurs, le simple fait que la souffrance soit exprimée individuellement ne suffit pas pour individualiser le problème; le tout signifie simplement que la norme discursive actuelle est axée sur le soi (Ehrenberg, 2005).

Qui plus est, le tout omet la perception de la personne à l’égard de sa situation. Certains professionnels ont même soutenu qu’une « cliente » est « tellement malade qu’elle ne le sait même pas ». La maladie mentale justifie ainsi l’invalidité de sa perception (Ehrenberg, 2005). Par exemple, puisque les personnes diagnostiquées d’une « personnalité limite » sont dites manipulatrices, leurs propos sont discrédités. Or, il est intéressant de noter que le diagnostic initial est souvent basé sur les propos des personnes, puisqu’aucun test médical objectif, tel qu’une analyse sanguine ou urinaire, ne permet de détecter la maladie mentale (Hall, 2007). Ainsi, leur discours n’est jugé valide que lorsqu’il est cohérent avec les croyances et perceptions des professionnels.

Finalement, une telle absence de tests objectifs permettant de discerner la maladie mentale prouve les limites de la vision médicale du problème. Par ailleurs, puisque tout diagnostic psychiatrique nécessite une évaluation subjective, on témoigne de désaccords entre médecins, ce qui peut provoquer une multiplicité de diagnostics chez une personne (Hall, 2007). Par exemple, une femme auprès de qui je travaille est diagnostiquée de neuf « maladies » et consomme 16 médicaments pour gérer ses pathologies. Davantage stigmatisé et surmédicamenté, c’est donc le malade qui souffre de cette analyse insuffisante.

Des solutions éphémères

De façon générale, on adopte un modèle réparateur en gérant les symptômes des problèmes plutôt qu’en éliminant leurs causes. Ainsi, l’enseignement des habiletés de vie et la médicamentation sont des solutions temporaires et non curatives, qui devront être répétées tout au long de la vie des malades et avec les générations futures.

Par ailleurs, il peut en ressortir encore plus de maux (St-Amand, 2011). Par exemple, diagnostiquée d’un trouble d’anxiété, une femme s’est vu prescrire des benzodiazépines auxquels elle a développé une dépendance. Son médecin a donc diminué la posologie. Aussitôt, elle a présenté un comportement agressif. Elle a été étiquetée « cliente difficile », hospitalisée à maintes reprises et diagnostiquée d’un trouble de toxicomanie, d’une personnalité limite et de schizophrénie. Or, cette focalisation sur son comportement a occulté les conditions externes explicatrices, notamment l’oppression de l’institution psychiatrique qui lui a imposé la médicamentation initiale. Bref, quand la solution crée davantage de problèmes, c’est que l’analyse sous-jacente a fait grand défaut.

La propagation d’inégalités

Puisqu’elle ne considère que les caractéristiques individuelles, la médicalisation propage des inégalités sociales (Hall, 2007; Pierret, 2008; St-Amand, 2011). D’abord, elle génère le sexisme en ignorant l’influence des normes sexuées dans l’apposition du diagnostic ainsi que dans la surreprésentation et la surmédicamentation des femmes dites malades (Guberman, 1990). Puis, en omettant l’exploration des causes sous-jacentes à la surpopulation de malades appauvris économiquement, on répand le classisme (Suissa, 2009). Finalement, puisque les critères des maladies énumérées dans le DSM sont déterminés selon les normes occidentales, ils sont biaisés par rapport à d’autres cultures. En ne considérant pas l’aspect contextuel des maladies, on propage le racisme. Bref, la maladie mentale stigmatise davantage les populations défavorisées en les qualifiant de biologiquement et d’intrinsèquement anormales (Gori et Del Volgo, 2011).

Amplification de la marginalisation : condamnation, responsabilisation et stigmatisation

En reportant la folie sur l’individu, les intervenants propagent la marginalisation de personnes en les condamnant, en les culpabilisant et en les stigmatisant.

En pensant en terme de « maladie », on condamne les gens à l’anormalité en leur apposant un handicap (Ehrenberg, 2005; Hall, 2007; St-Amand, 2011). On leur impose une perte d’autonomie puisqu’ils subissent une condition dite « hors de leur contrôle » (Ehrenberg, 2005). Par exemple, un homme auprès de qui je travaille m’a expliqué qu’il a vécu un deuil quand il a été diagnostiqué schizophrène. Cette maladie signifiait pour lui l’impossibilité de faire ce qu’il voulait. Le tout encourage certes la résignation devant l’expert — l’intervenant qui éduque ou le psychiatre qui régule — et décourage l’appropriation du pouvoir (St-Amand, 2011). La maladie mentale justifie ainsi l’autoritarisme des travailleurs sociaux puisqu’elle établit une dissension de pouvoir entre l’intervenant, l’expert « normal et en santé », et le « malade » (Gagné, 1996). Ainsi, dès qu’il interagit avec une personne aux prises avec un diagnostic de maladie mentale, l’intervenant est automatiquement, et parfois contre son gré, placé en position de supériorité sociale; il devra par la suite fournir de graves efforts afin de déconstruire cet autoritarisme qui lui est imposé.

De plus, on responsabilise les individus en leur imposant le devoir de maximiser leur santé (Ehrenberg, 2005; Jacques, 2004; St-Amand, 2011). En effet, on s’attend à ce qu’ils soient compétents, capables de gérer leurs symptômes et aptes à reconnaître « les premiers signes d’une récidive [afin de prendre] rapidement rendez-vous avec [leur] psychiatre » (Ehrenberg, 2005, p. 24).

Finalement, l’individualisation stigmatise les malades en les réduisant à leurs comportements dits « anormaux » ou « instables ». Par exemple, un homme m’a confié qu’il souhaitait être reconnu au-delà de sa maladie. En laissant les malades porter seuls ce fardeau collectif, on engendre également leur intériorisation de cette différence; il n’est pas rare de les entendre dire : « Je suis malade » (Gagné, 1996).

Un contrôle individuel et social exagéré

La médicalisation de la folie est ainsi une forme de coercition individuelle voulant la modification des personnes afin qu’elles répondent à l’« [e]xigence normative d’autonomie [et] de performance » (Otero, 2005, p. 83). Une fois diagnostiqué, l’individu doit adopter le rôle de malade, faute de quoi il perdra son logement social et ses allocations ou il sera institutionnalisé. Par ailleurs, le refus de prendre des médicaments étant interprété comme une preuve supplémentaire de folie, la personne n’ose pas de ce fait s’opposer à la médicamentation (Ehrenberg, 2005; Hall, 2007). Il est certes intéressant de noter que le malade n’est jugé stable et apte au consentement que lorsqu’il accepte les soins (Ehrenberg, 2005).

Cette vision viole les droits de la personne. Par exemple, les Articles 9 et 12 de la Charte canadienne des droits et libertés garantissent la protection contre la détention arbitraire et les traitements injustifiés; par contre, la Loi sur la santé mentale en Ontario oblige l’institutionnalisation et la médicamentation des personnes perçues comme un risque pour elles-mêmes ou pour autrui (Kaiser, 2009). De la même façon, les Articles 2 et 15 assurent le droit de liberté de pensée ainsi que la garantie que la loi s’applique également à tous; or, les personnes diagnostiquées d’une maladie mentale sont ciblées, sous prétexte que leurs pensées et croyances sont anormales.

Ultimement, l’intervenant social adopte une fonction de contrôle social visant la régulation des populations (Gori et Del Volgo, 2011; Otero, 2005). L’objectif étant d’éliminer ce qui dérange, nous raisonnons « selon un modèle au sein duquel tout devient commensurable pourvu que l’on ait préalablement homogénéisé [et] standardisé » (Gori et Del Volgo, 2011, p. 1021). La notion de « maladie mentale » témoigne de l’intolérance sociale entourant la différence.

Lutter contre l’individualisation et la médicalisation par le travail social

La promotion d’analyses structurelles des problèmes vécus individuellement

Afin de lutter contre l’individualisation, il faut d’abord collectiviser les problèmes en empruntant la voie de l’analyse structurelle. Cette interprétation doit tenir compte de la façon dont les idéologies, les normes occidentales, l’oppression, ainsi que les facteurs économiques, politiques et sociaux, marginalisent un segment populationnel et influencent la perception actuelle de la folie (Collin et Suissa, 2007; Jacques, 2004; St-Amand, 2011). On doit donc comprendre que les difficultés vécues, telles la maladie ou la pauvreté, n’ont pas une relation linéaire de cause à effet et qu’elles sont des symptômes de problèmes d’ordre structurel.

Il faut également considérer les caractéristiques individuelles dans la façon dont les difficultés seront vécues et gérées. Par exemple, la surreprésentation féminine dans la population dite « malade » est certes expliquée par le sexisme psychiatrique, lui-même résultant du sexisme structurel (Guberman, 1990). Par contre, les femmes vivent différemment cette oppression patriarcale : elles peuvent présenter les symptômes d’une maladie mentale, développer une consommation problématique, entreprendre des comportements d’automutilation, etc.

Ainsi, il est primordial de saisir l’importance du savoir expérientiel et de considérer l’expertise des personnes à l’égard de leur situation (Suissa, 2009). Certains ne jugeront pas leurs symptômes comme étant problématiques et voudront soulager d’autres tensions (Pierret, 2008; St-Amand, 2011). Par exemple, plusieurs personnes ne perçoivent pas les hallucinations auditives comme malfaisantes et préfèreraient les conserver (St-Amand, 2011). L’intervenant doit donc s’éloigner des préjugés à l’égard de la maladie mentale et s’apprêter à véritablement entendre l’autre.

Enfin, il importe de populariser de telles analyses axées sur un modèle social par le biais de formations professionnelles, de publications scientifiques, de colloques ou de couverture médiatique.

La création de pratiques non coercitives et collectives axées sur ces analyses structurelles

Malgré les pressions qu’ils peuvent ressentir de se conformer aux modèles dominants, les intervenants ont la responsabilité de s’éloigner des pratiques médicales ayant cours; ils doivent ainsi définir leur rôle en tant qu’alliés des populations marginalisées et opprimées (St-Amand, 2011). Un tel travail étant difficile au sein d’institutions, les intervenants devraient créer des pratiques alternatives non coercitives (Ehrenberg, 2005; St-Amand, 2011). Pour ce faire, ils doivent s’inspirer des pratiques existantes et s’allier avec tout individu mettant en doute la monopolisation du pouvoir médical (Pierret, 2008). Ensemble, ils peuvent instaurer des services accueillant et normalisant la souffrance et la différence, offrant un espace aux gens pour qu’ils s’expriment librement et visant la reconstruction d’un lien social par le biais de l’entraide (Jacques, 2004; Regroupement des ressources alternatives en santé mentale, 2009; St-Amand, 2011). En plus de diminuer le sentiment d’anormalité, de telles pratiques du type par et pour offriraient des services jugés importants pour les personnes (Regroupement des ressources alternatives en santé mentale, 2009; St-Amand, 2011).

Une piste d’action possible serait la création d’un groupe d’entraide féministe tenant compte de la spécificité des femmes (Guberman, 1990; Regroupement des ressources alternatives en santé mentale, 2009). En considérant que le diagnostic n’est qu’une représentation médicale de la violence faite aux femmes, on conscientiserait ces dernières au sujet de l’oppression générée par les normes sexuelles et on encouragerait leur implication sociale et politique en vue d’éliminer le sexisme. Ce groupe pourrait également mettre sur pied plusieurs services estimés manquants par les membres, tels qu’une garderie, un centre d’hébergement ou une cuisine collective.

Un autre exemple est la mobilisation d’une population hétérogène et l’encouragement de sa lutte contre les problèmes sociaux qu’elle juge importants, telles l’itinérance, la pauvreté, la violence policière ou la psychiatrie (Regroupement des ressources alternatives en santé mentale, 2009). En collectivisant ainsi les plaintes individuelles, on développe le pouvoir d’agir et on tente de modifier les structures plutôt que d’y adapter les gens (Guberman, 1990; St-Amand, 2011; Suissa, 2009). La défense de droit et la conscientisation des gens à l’égard de leurs droits sont certes utiles, surtout en ce qui concerne les traitements psychiatriques obligés.

De façon générale, il est nécessaire de se détacher du vocabulaire médical et de penser en termes de « survivant » ou d’« acteur social » afin d’actualiser le potentiel des gens. On doit également s’éloigner de la notion de « diagnostic de maladie mentale », pour envisager le tout en termes de « difficultés ».

La gestion autonome de la médication devrait être mise à la disponibilité des citoyens voulant contrôler leurs expériences psychiques (Collin et Suissa, 2007; Hall, 2007; Regroupement des ressources alternatives en santé mentale, 2009). Plusieurs activités et stratégies alternatives facilitent également la gestion de difficultés et de symptômes (expression artistique, nutrition, exercice, action sociale, etc.) (Hall, 2007; St-Amand, 2011).

En somme, la médicalisation de la folie est empreinte dans l’analyse, les solutions et le langage de l’intervention sociale dans le domaine de la santé mentale. Cette individualisation est une avenue dangereuse puisque son analyse partielle engendre des solutions temporaires, tout en amplifiant les inégalités sociales et la marginalisation. Afin d’en contrer les méfaits, il est nécessaire de propager une analyse divergente, axée sur les structures sociales, et de développer des pratiques alternatives, non coercitives et collectives. Par ailleurs, une telle réflexion critique à l’égard de son travail est certes avantageuse puisqu’elle permet une prise de conscience quant à la position sociale qu’occupe l’intervenant. Il lui importe de se sensibiliser au fait que les pratiques populaires dans le domaine de la santé mentale représentent un prolongement de l’institution médicale et qu’elles peuvent engendrer des maux. Ainsi, il se doit de s’en détacher afin de demeurer fidèle à son rôle d’allié, d’accompagnateur et de défenseur de droits. L’innovation et non la conformité au modèle dominant amènera le progrès. En effet, « [l]a folie nous invite à inventer et à diversifier plutôt qu’à homogénéiser. Elle ne se laisse pas enfermer dans une seule façon de penser et d’agir. » (Regroupement des ressources alternatives en santé mentale, 2009, p. 3)