Des pratiques à notre image

Vie militaire et paternité[Record]

  • Karine Régimbald and
  • Jean-Martin Deslauriers

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  • Karine Régimbald
    Étudiante à la maîtrise, École de service social, Université d’Ottawa

  • Jean-Martin Deslauriers
    Professeur, École de service social, Université d’Ottawa

Les familles de militaires font face aux mêmes défis que l’ensemble des familles canadiennes : des préoccupations personnelles et professionnelles, le soin et l’éducation des enfants, la transmission de valeurs familiales et parfois une présence à des aînés (Drummet, Coleman et Cable, 2003). En sus de ces défis, les familles de militaires doivent composer avec des facteurs déstabilisants propres à leurs conditions de travail qui complexifient leur quotidien et influencent la façon dont les rôles et responsabilités s’y inscrivent. Plusieurs des écrits scientifiques portant sur les familles de militaires s’intéressent aux particularités de leur mode de vie (Harrison, 2006; Huebner, et collab., 2007; Drummet, Coleman et Cable, 2003; Basham, 2008; Briggs et Atkinson, 2006), mais en dépit du nombre élevé de pères militaires, peu d’études portent sur les spécificités liées à leur rôle. Néanmoins, même si les écrits abordent généralement la situation familiale sans distinction de genre chez les parents militaires, il est justifiable d’appliquer l’essentiel de leurs données au vécu des pères, et ce, en nous basant sur le fait que les hommes comptent pour 85,4 % des effectifs militaires (Park, 2008). C’est sur cette prémisse de départ que s’appuie notre décision d’aborder le rôle paternel dans le contexte de la vie militaire, et ce, à travers une recension d’écrits qui se penchent sur le sujet. L’exercice servira à dégager des pistes de questionnements susceptibles de conduire à des recherches ultérieures. Nous nous pencherons d’abord sur quelques aspects de la vie militaire dans le contexte canadien, ses conditions de travail et ses incidences sur la vie familiale. Puis, nous relèverons les facteurs qui influencent chez les hommes militaires les façons de vivre leur paternité et de s’engager dans la vie de leur enfant, à la lumière des enjeux liés à la conciliation travail et vie de famille. Nous traiterons des implications des services, plus particulièrement de la pratique du travail social, s’adressant aux pères militaires et à leurs familles. Également, nous dégagerons les points de tension émergeant de l’ensemble des facteurs influant sur l’exercice de la paternité chez les militaires, notamment à la lumière des travaux de Goffman (1968) sur les institutions dites totalitaires. Plusieurs auteurs soulèvent certaines contradictions qui existent entre les exigences du système familial et l’organisation militaire en tant qu’employeur (Ryan-Wenger, 2001; Drummet, Coleman et Cable, 2003; Harrison, 2006; Harrison, 2002; Harrison et Laliberté, 1997; Darwin et Reich, 2006). L’organisation militaire prône la cohésion des troupes et la primauté des besoins du pays sur ceux des soldats et de leur famille. Par leur engagement, les quelque 68 443 militaires des Forces régulières et les 34 709 réservistes sont exposés à des absences prolongées, à des déploiements à l’étranger, à des périodes de réintégration au sein de leurs familles et à des réaffectations fréquentes. Tout cela exige d’eux, de leurs couples et de leurs familles, de grands efforts d’adaptation auxquels s’ajoute, pour les familles francophones, un facteur linguistique. Des stages de formation, des entraînements intensifs en vue d’un déploiement ou des séjours d’observation ou de supervision dans d’autres bases militaires, voilà autant d’occasions pour les militaires d’être séparés de leurs familles. « Most army families experience annual duty-related separations, one third for more than a total of 17 weeks » (Orthner, 2002b, dans Drummet, Coleman et Cable, 2003, p. 281). Inhérents à la carrière militaire, les déploiements constituent un important facteur de stress pour les familles. Durant cette absence, toutes les responsabilités de la maisonnée, l’entretien, les finances, l’éducation, la santé des membres de la famille, sans oublier de possibles soins aux familles étendues, incombent généralement à la mère (Drummet, Coleman et Cable, 2003; Hiew, 1992). Selon …

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