Le dossier

Vivre intensément l’humain : une exploration du deuil après le VIH-sida[Record]

  • Susan Cadell and
  • Dennis Haubrich

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  • Susan Cadell
    School of Social Work & Family Studies, University of British Columbia

  • Dennis Haubrich
    School of Social Work, Ryerson University

Cette étude a pour but d’explorer l’expérience d’individus ayant pris soin de personnes décédées des complications dues au VIH-sida. Des questions ouvertes ont permis d’analyser les expériences positives aussi bien que négatives de quinze personnes interviewées. Considérée comme ressource potentielle, la spiritualité faisait partie des sujets abordés dans cette étude. Les expériences positives prennent parfois racine dans la spiritualité et la religion. La spiritualité dans le deuil était très importante pour les soignants.

L’épidémie du sida croît d’année en année, entraînant avec elle un nombre grandissant d’individus ayant pris soin de personnes qui en sont atteintes ou en sont décédées. En plus de subir le stress du deuil dans le contexte du VIH-sida, plusieurs de ces personnes se trouvent stigmatisées par le fait qu’elles sont elles-mêmes séropositives. La réprobation sociale de leurs relations leur occasionne des pertes considérables et continues, même après la mort de l’être cher. De surcroît, il leur est fréquent de vivre des deuils successifs. La plupart des études sur le sida portent sur ses aspects négatifs. Ses effets alarmants sont bien documentés. En Amérique du Nord, l’épidémie se concentre dans les communautés lesbienne, gaie, bisexuelle et transsexuelle, où l’on constate un taux élevé de décès. Il n’est pas inhabituel pour des hommes gais d’avoir perdu des dizaines d’amis et de connaissances (Shernoff 1995, 1997b). Le nombre moyen de pertes cité par plusieurs études américaines varie entre 8 et 67,7 (Nord 1996a). Les pertes sont telles que la mort est chose habituelle dans la communauté gaie (Goodkin, Blaney, Tuttle et al. 1996; Neugebauer, Rabkin, Williams, Remien, Goetz & Gorman 1992) et que le deuil représente une épidémie parallèle à celle du sida (Wardlaw 1994). Les pertes incessantes associées au VIH et au sida sont une source de traumatismes. (Nord 1996a, 1996b, 1997, 1998; Shernoff 1997a). Les personnes ayant subi des pertes multiples vivent un traumatisme (Bigelow & Hollinger 1996; Cadell 2001, 2003; Cadell, Regehr & Hemsworth 2003; Gluhoski, Fishman & Perry 1997a, 1997b; Goodkin et al. 1996; Houseman & Pheifer 1988; Martin & Dean 1993; Sikkema, Kalichman, Kelly & Koob 1995). L’hétérosexisme et l’homophobie peuvent ajouter à la stigmatisation aussi bien qu’à une augmentation du stress. Se tourner vers la religion peut être un moyen de combattre ce stress (Pargament & Park 1995). Souvent, les concepts de religion et de spiritualité sont utilisés de façons interchangeables. Il y a cependant entre les deux des aspects distinctifs. La religion réfère à une structure ou à une organisation qui définissent les croyances d’un groupe d’individus. Canda et Furman (1999) la définissent comme un système organisé de croyances, de rites et de symboles ayant un double objectif : faciliter l’approche vers le transcendant ou le sacré et promouvoir la compréhension et la responsabilité entre les membres d’une communauté. Kozeny (2004) voit la religion comme un système de croyances et de normes sociales qui expose les personnes à des idées et à des expériences spirituelles en plus de les aider à incorporer des valeurs à leur vie quotidienne. Si la religion est définie en termes de structure, de système et d’organisation, les définitions de la spiritualité suggèrent un rapport plus personnalisé, lié davantage aux croyances individuelles. Canda et Furman (1999) définissent la spiritualité comme « une quête » visant à comprendre les réponses aux questions ultimes de la vie, du sens de la vie et de la relation avec le sacré. Hardy (1982) propose, comme définition de la spiritualité, un état d’esprit qui libère la personne de son isolement. Les êtres humains cherchent à créer avec d’autres personnes des liens leur permettant de s’épanouir. Ces définitions amènent à distinguer religion et spiritualité. Bien que le concept de la spiritualité ait ses origines dans la religion (Jacobs 1997), il a pris depuis plus d’ampleur. Cependant, il est clair qu’il existe un lien important entre les deux concepts. Kozeny (2004) indique que la religion peut être l’objectif à travers lequel la spiritualité se rend visible. La religion peut offrir une structure ou une organisation à ceux qui partagent des notions communes de spiritualité. Cette dernière, …

Appendices