Recensions

Potvin, P. (2016). L’alliance entre le savoir issu de la recherche et le savoir d’expérience. Un regard sur le transfert de connaissances. Boucherville, Québec : Béliveau Éditeur[Record]

  • Jacinthe Théorêt

Le sujet du livre précité convient particulièrement à la tendance scientiste de notre époque bombardée d’informations sur les recherches tous azimuts. Cependant un fossé ne cesse d’éloigner les productions scientifiques de la praxis. Cette problématique complexe dont traite l’ouvrage de Potvin ne met en cause ni les seuls chercheurs, ni les seuls praticiens comme en témoigne la démarche de l’auteur qui présente d’entrée de jeu les différents types de savoirs, puis le travail de recherche et enfin la mise en pratique des savoirs et ce, toujours en établissant des parallèles entre ces deux mondes qui paraissent parfois inconciliables. Par ailleurs, il est fort intéressant de soulever que l’auteur ne fait pas fie de cette réalité et l’aborde directement à plusieurs reprises. La subdivision du livre en est un exemple typique. Les premiers chapitres sont davantage centrés sur des notions théoriques alors que les derniers chapitres portent sur différentes initiatives et modalités de transfert de connaissance au profit d’un meilleur arrimage théorie/pratique. Potvin ouvre son propos sur un témoignage personnel qui fait état de ses propres questionnements professionnels (p. 21 à 23) visant notamment à stimuler la réflexion active du praticien. Chacun des chapitres se clos d’ailleurs par une série de questions visant à amener le praticien à réfléchir sur ce qu’il retient dudit chapitre et la façon de transposer sa compréhension dans sa pratique. Potvin place ici le lecteur dans un rôle de sujet qui est amené à se questionner, le plongeant dans une forme de déséquilibre stimulant, ce qui illustre bien le but de l’ouvrage : établir des liens pertinents entre la pratique professionnelle et les données de la recherche. Potvin traite avec justesse de la pratique-terrain qu’est celle de la culture d’urgence (p. 89), laquelle ne permet pas toujours une réflexion de type théorique. En effet, le contexte psychosocial actuel marqué par un manque notoire de ressources empiète largement sur ce qu’on pourrait appeler la pratique-réflexive-active vu l’urgence du rendement de l’intervenant. Or, force est d’admettre qu’une culture de l’apprenant ne va pas de pair avec une culture de l’urgence qui n’offre pas les conditions minimales à la bonne pratique réflexive. Ce qui contribue malheureusement au fait que certains doutent quant aux connaissances dites expérientielles, qui découlent de la pratique et renforcent la conception traditionnelle quant à la présence d’une hiérarchie des savoirs, traduite par la survalorisation du savoir théorique (p. 45). L’auteur dénonce ainsi un certain « mépris » de la science envers la pratique comme source de création de connaissances. À cet égard, Potvin rappelle à maintes reprises que la pratique en intervention produit elle-même de la connaissance susceptible de susciter des réflexions scientifiques aussi bien que les théories éclairent les pratiques professionnelles. Il serait déraisonnable de discréditer une pratique qui ne provient pas d’études statistiques ou autres. Une intervention « réussie » auprès d’un groupe de sujets peut indéniablement comporter des caractéristiques reproductibles dans une situation similaire un peu à la manière d’une étude de cas. Toutefois, il importe de ne pas généraliser trop rapidement certaines connaissances issues des résultats de la pratique, ce qui exige l’application de protocoles. Dans ce domaine, on ne peut pas faire l’économie d’un processus de réflexion et d’analyse. Autrement dit, il ne suffit pas de faire pour apprendre, encore faut-il s’arrêter, réfléchir, prendre conscience… Bref, un processus auquel Potvin se réfère, appelé « formalisation des savoirs ». Il s’agit d’interroger ces savoirs et de les confronter pour vérifier la possibilité d’en généraliser les résultats. La recherche dispose elle aussi de sa propre culture qui n’est pas sans faille. Elle peut parfois se révéler rigide en raison de tous les …

Appendices