Recensions

Perspectives féministes en relations internationales – penser le monde autrement, sous la direction de Maïka Sondarjee, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2022, 290 p.[Record]

  • Gabrielle Goyet

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Dirigé par Maïka Sondarjee, cet ouvrage s’insère dans le vaste champ des relations internationales, en ayant pour but de présenter, de démystifier et de différencier les divers regards féministes sur l’international. Ce recueil intrinsèquement féministe propose un éclatement dans les approches et les sujets, au fil de chapitres qui se démarquent tous par leur originalité. La thèse commune est toutefois explicite : les féminismes sont multiples et ils peuvent traiter d’une multitude de sujets. Né d’un vide dans la littérature francophone, cet ouvrage se veut une référence pour les universitaires souhaitant s’initier aux approches féministes en relations internationales dans leur pluralité (p. 11). Le livre s’ancre donc dans un éclectisme unique en abordant les études féministes en relations internationales selon des points de vue géographique, linguistique, disciplinaire et thématique. On peut dire que l’objectif est rempli, considérant qu’au fil de ses 290 pages, les auteurs démontrent qu’il n’existe certainement pas qu’une seule perspective féministe pour étudier l’international. Le travail cumulé de 31 personnes s’est soldé en 27 chapitres qui mobilisent des perspectives très variées allant de l’écoféminisme au décolonialisme. Les thématiques sont d’autant plus nombreuses si l’on considère que la sécurité, les normes, l’économie, le colonialisme et l’ethnocentrisme ne sont que quelques-unes des facettes explorées dans cet ouvrage. Fondamentalement, la force de Perspectives féministes en relations internationales réside dans la mobilisation de recherches féministes provenant du Sud global, ainsi que dans le positionnement du genre en tant qu’élément structurant des relations internationales. Loin de se restreindre aux classiques études anglo-saxonnes, l’aspect multidimensionnel de ce livre en fait un produit novateur qui enrichit réellement le champ des relations internationales. La première partie de l’ouvrage a pour thème commun la colonialité du pouvoir et l’ethnocentrisme, discutant du tournant décolonial en relations internationales. Leila Celis ouvre le bal sur des considérations épistémologiques de la recherche féministe ; elle insiste sur l’impérativité de ne pas reproduire les rapports de domination, en embrassant les postulats critiques et le positionnement politique plutôt que la neutralité et l’objectivité. Procédant ainsi, il serait possible de faire des études féministes sur les rapports de pouvoir même depuis le Nord global. Sur cette base, les deuxième et troisième chapitres abordent l’importance du processus de décolonisation du savoir, afin de comprendre les relations internationales selon une variété de perspectives non issues du Nord global. À cet égard, Celia Romulus insiste sur les risques de dépolitisation et de « blanchiment » du processus de décolonisation du savoir en excluant les personnes issues de minorités de cette démarche, ce à quoi Christine Verschuur renchérit qu’il est nécessaire d’inclure les contributions du Sud global pour mener cette discussion. Suzy Basile poursuit dans cette veine en proposant la considération des peuples autochtones comme solution aux enjeux internationaux, expliquant notamment qu’en mobilisant une approche intersectionnelle considérant le genre, l’ethnicité et l’expérience du colonialisme, cela pourrait offrir des réponses à des problèmes tels que la crise climatique. Leila Benhadjoudja clôt cette première section avec un texte portant sur « la guerre contre la terreur », en mettant en garde contre les récits occidentaux qui perpétuent la subjectivation coloniale des femmes musulmanes. La seconde partie de l’ouvrage discute du phénomène des solidarités et des mobilisations féministes sous une variété de perspectives. Successivement, les chapitres de cette section abordent les mobilisations féminines en Afrique, la migration associée au travail domestique, la mobilisation des femmes innues face à l’exploitation minière, la marche mondiale des femmes, ainsi que la migration féminine du Sud global vers le Nord. Dans l’ensemble de ces chapitres, bien que les enjeux abordés soient précis, on recoupe la thématique de la mobilisation dans une perspective féministe comme …