Recensions

À la reconquête de la souveraineté : mouvements autochtones en Amérique latine et en Océanie, sous la direction de Natacha Gagné, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. « Mondes autochtones », 250 p.[Record]

  • Étienne Sinotte

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Dans l’ouvrage collectif À la reconquête de la souveraineté : mouvements autochtones en Amérique latine et en Océanie, quatorze anthropologues, sociologues et politologues sous la direction de Natacha Gagné cherchent à mettre en lumière les nouvelles significations que revêt le concept de souveraineté au fil des processus de décolonisation. À travers dix études de cas portant sur des communautés autochtones d’Amérique latine et d’Océanie, l’ouvrage démontre qu’au-delà de la souveraineté étatique, le concept est désormais perçu comme recouvrant plusieurs droits sociaux, économiques, culturels et politiques. La première partie de l’ouvrage est composée de deux chapitres dédiés à la contextualisation des cas étudiés dans la seconde partie. En effet, ces chapitres résument l’histoire coloniale des deux régions sur lesquelles se penche l’ouvrage. Ainsi, dans le premier chapitre, Martin Hébert et Stéphanie Rousseau proposent un historique de la domination des peuples autochtones d’Amérique latine par les puissances coloniales – d’abord la Couronne espagnole, puis l’État-nation – ainsi qu’une analyse de l’utilisation des concepts distincts mais compatibles d’autonomie, d’autodétermination et de souveraineté par les populations autochtones de la région. D’une manière similaire au chapitre précédent, Natacha Gagné et Marie Salaün, dans le deuxième chapitre, font un historique de la colonisation en Océanie. Ce faisant, elles portent une attention particulière à la manière dont les populations autochtones de ces territoires ont été sociologiquement et numériquement minorisées. Les autrices mettent également en exergue les diverses stratégies de mobilisation utilisées par les communautés autochtones pour lutter en faveur de leur autodétermination et souveraineté, comme la revalorisation de leurs cultures et la création de partis politiques. Le troisième chapitre de l’ouvrage marque le début de sa seconde partie, composée de dix études de cas portant sur les expressions variées de la souveraineté par les communautés autochtones d’Amérique latine et d’Océanie. Dans ce chapitre, Martin Hébert, Ignacio Ochoa et Lucas Aguenier traitent du Guatemala, dont l’histoire est marquée par la répression militaire et l’absence des Autochtones du pouvoir. Les auteurs soutiennent que dans ce pays les communautés autochtones ont principalement exercé leur souveraineté au niveau local et affirment leur autonomie par le biais de la résistance culturelle. Dans le quatrième chapitre, Stéphanie Rousseau et Hernán Manrique traitent du processus historique de reconnaissance des droits autochtones et du mécanisme légal d’acquisition de l’autonomie pour les communautés autochtones boliviennes. Les auteur·rices soutiennent que ce mécanisme, même s’il est complexe, bureaucratique, et qu’il conduit à la reconnaissance par l’État d’une autonomie « sous tutelle », est un processus viable pour de nombreux peuples autochtones. Le cinquième chapitre, écrit par Raphaël Colliaux et Stéphanie Rousseau, met en lumière que les expériences des communautés autochtones péruviennes avec la seule forme juridique de reconnaissance politique autochtone au Pérou, la « communauté native », ne sont pas uniformes. En effet, en se basant sur deux études de cas, les auteur·rices démontrent que cette figure juridique permet de renforcer l’autonomie des communautés possédant déjà une identité communale forte, ou encore de limiter l’autonomie des populations plus nombreuses cherchant à faire reconnaître l’autonomie politique de leur groupe ethnique, par exemple. Dans le sixième chapitre, Pascal-Olivier Pereira de Grandmont traite de la manière dont la création d’une communauté de communes aux îles Marquises, octroyant à l’archipel plus d’autonomie au sein de la Polynésie française, bouscule l’ordre politique du territoire. L’auteur met en lumière le réseau complexe de prétentions souverainistes concurrentes caractérisant le contexte colonial dans lequel se retrouvent les îles Marquises, sous l’égide à la fois de l’État français et du gouvernement territorial. Dans le septième chapitre, en traçant des parallèles avec les voies d’émancipation explorées à travers le sionisme par les communautés juives, Natacha Gagné soutient …