Article body

La notion de complétude institutionnelle trouve son origine dans les travaux du sociologue canadien Raymond Breton (1964), qui en a fait un outil analytique pour l’étude des modes d’organisation au sein des populations immigrantes d’abord, et des minorités ethnoculturelles et linguistiques par la suite. Depuis les années 1990, la notion a été reprise par les chercheurs qui étudient les minorités francophones du Canada, alors qu’elle a été délaissée par ceux qui travaillent dans les domaines de l’immigration et des minorités ethnoculturelles. L’objectif de ce numéro thématique est de montrer comment la notion de complétude institutionnelle demeure d’actualité pour l’étude des minorités, non uniquement au Canada, mais également ailleurs dans le monde. Il comprend, de façon plus particulière, des articles portant sur les Sorabes en Allemagne, les Hakka à Hong Kong et à Taïwan, les bascophones en France et enfin sur les minorités francophones du Canada.

Qu’est-ce que la complétude institutionnelle ? Simplement dit, la notion permet d’étudier les conditions de pérennisation des minorités ethnoculturelles et linguistiques, ce qui comprend les groupes issus de l’immigration tout comme les minorités historiques et nationales. De façon plus précise, le fait de détenir des institutions – une école, un hôpital, un journal ou un théâtre – est considéré comme une condition qui contribue à l’épanouissement des minorités. La notion de complétude institutionnelle comporte aussi une dimension politique indéniable, car ces institutions que possède la minorité doivent dans la mesure du possible être gérées par et pour cette dernière.

En apparence simple, cette définition n’est pas sans soulever des difficultés sur les plans analytique et théorique. D’une part, en tant qu’outil conceptuel, la notion de complétude institutionnelle oblige à recentrer l’analyse sur les modes d’organisation des minorités – un aspect souvent négligé de l’étude des minorités au profit du débat normatif sur le vivre ensemble[1]. D’autre part, nous constatons, et ce, en particulier au Canada, que la notion de complétude institutionnelle est devenue un principe de justice devant guider les politiques de la reconnaissance (Cardinal et Hidalgo, 2012) ou encore une condition de leur habilitation (Léger, 2014). La notion est désormais présentée comme une valeur devant être prise en compte dans l’interprétation des droits ou la formulation des politiques publiques (Foucher, 2008 ; Chouinard, 2014 ; 2016).

Cette pluralité de façons d’appréhender la notion de complétude institutionnelle invite donc à retracer son chemin parcouru en sciences sociales depuis sa première formulation, ce que permettra de faire la présente introduction. Nous allons montrer comment la notion a été approfondie d’hier à aujourd’hui. Entre autres, nous verrons que la notion a subi une double migration : de la sociologie américaine et canadienne-anglaise vers les sciences sociales et politiques francophones ; du monde universitaire vers les milieux politique, juridique et communautaire. Nous verrons aussi qu’en franchissant les frontières disciplinaires, la notion s’est grandement enrichie.

Raymond Breton et l’étude de l’intégration des immigrants

Raymond Breton est le « père » de la notion de complétude institutionnelle. D’origine canadienne-française, Breton est un sociologue spécialiste des modes d’organisation au sein des minorités ethnoculturelles et linguistiques. Il a été formé dans les années 1950 au sein de l’École américaine de sociologie des relations ethniques et interethniques aux universités de Chicago et Johns Hopkins (Baltimore). De retour au Canada, il a obtenu un poste de professeur au Département de sociologie de l’Université de Toronto, et y est resté jusqu’à sa retraite. Il a publié de nombreux ouvrages et articles sur les minorités ethniques, l’immigration, la langue et les relations interethniques[2].

En 1964, Breton a publié un article dans le prestigieux American Journal of Sociology sur la notion de complétude institutionnelle. L’article porte sur l’incidence des institutions de la majorité tout comme celles des minorités sur l’intégration des immigrants dans la région de Montréal. Il y rapporte les résultats d’entretiens[3] réalisés pour sa thèse de doctorat, dont la conclusion selon laquelle « les communautés présentant un haut degré de complétude institutionnelle sont celles qui ont la plus grande proportion de membres dont les relations personnelles sont au sein du groupe ethnique » [notre traduction] (Breton, 1964 : 196). Breton montrait ainsi que le niveau de complétude institutionnelle d’un groupe ethnique pouvait avoir un impact direct sur sa capacité à se maintenir dans le temps et dans l’espace. Il s’est notamment attardé aux institutions religieuses, aux médias communautaires et aux organismes d’entraide en raison de leur rôle clé dans l’accueil des immigrants. Bien que ces institutions n’aient pas toutes le même potentiel d’attraction, elles servent en particulier à maintenir l’idéologie du groupe en vie et à diffuser ses symboles et ses valeurs.

Selon Breton (1964), les institutions du groupe pouvaient toutefois être de nature temporaire et informelle, car plus les immigrants réussissent leur intégration socioéconomique au sein de leur société d’accueil, moins ils devraient être portés à participer aux institutions de la communauté ethnoculturelle à laquelle ils sont identifiés. À l’époque, Breton constatait également que peu de milieux ethnoculturels en Amérique du Nord avaient un degré élevé de complétude institutionnelle.

De retour au pays, en tant que professeur à l’Université de Toronto, Breton a poursuivi ses travaux sur les modes d’organisation au sein des communautés issues de l’immigration vivant au Canada (Breton et al., 1990 ; Breton, 1991 ; 2012 ; Reitz et Breton, 1994). Il a approfondi la notion de complétude institutionnelle en se concentrant de façon particulière sur la dynamique interne à ces milieux. Il a formulé la notion complémentaire de mini-polities pour souligner qu’on était en présence de petites communautés sans États qui vivaient aussi des débats politiques importants (Breton, 1978 ; 1983). Il s’est attardé à décrire les capacités de mobilisation des groupes qu’il a étudiés et à répertorier leurs mécanismes de résolution de conflits, internes et avec l’extérieur, montrant de la sorte que les minorités ethnoculturelles ne sont pas dénudées de structures politiques et d’enjeux de gouvernance (Breton, 1991).

Enfin, Breton (1983 ; 1985a ; 1985b ; 1994) a aussi appliqué la notion de complétude institutionnelle dans le contexte de l’émergence du champ de recherche sur la francophonie canadienne – nous y reviendrons, car, dans l’intervalle, il faut souligner que la notion de complétude institutionnelle fera une entrée remarquée au sein de la sociologie canadienne-anglaise des relations ethniques et interethniques.

La complétude institutionnelle sous le prisme de la sociologie canadienne-anglaise des relations ethniques et interethniques

Au début des années 1970, la sociologie canadienne-anglaise, dans son analyse du phénomène ethnique dans les villes canadiennes, s’inspire du concept de complétude institutionnelle. En effet, les sociologues canadiens-anglais, en particulier dans l’ouest du pays (mentionnons : Driedger, 1973 ; 1979 ; 1980 ; Driedger et Church, 1974 ; Roberts et Boldt, 1979 ; Reitz, 1980 ; et Baureiss, 1981), reprennent la notion afin d’en approfondir la valeur explicative. Ils la présentent comme une variable dépendante permettant de mieux saisir son importance dans le maintien de frontières dites ethniques par les différents groupes constitutifs de la mosaïque canadienne. Ainsi, Leo Driedger et Glenn Church (1974) étudient la relation entre la concentration géographique et les groupes qui font preuve de complétude institutionnelle, comme les Canadiens français, les Juifs, les Allemands, les Ukrainiens, les Polonais et les Scandinaves. Dans une étude sur la population francophone à Saint-Boniface au Manitoba, Driedger (1979) explique le maintien de l’identité canadienne-française par la référence à la géographie.

Pour leur part, Lance Roberts et Edward Boldt (1979) critiquent Breton, arguant qu’il n’a pas porté suffisamment attention à la qualité des institutions pour mesurer la complétude institutionnelle. Selon ces auteurs, on ne peut pas uniquement additionner le nombre d’institutions pour déterminer la capacité des groupes ethnoculturels à maintenir leurs frontières. Gunter Baureiss (1981) fait le même reproche à Breton et souligne aussi que ce dernier a omis de distinguer les notions d’institution et d’organisation en plus d’évacuer les écoles de son étude.

On peut penser que les travaux de Breton (1978 ; 1983 ; 1991) montrant que les communautés ethniques étaient aussi des petites communautés politiques puissent constituer une réponse à ces critiques. De leur côté, les sociologues qui critiquent la notion de complétude institutionnelle ne vont pas proposer de nouvelles données empiriques susceptibles d’accroître la portée de leur appel à une approche plus qualitative que quantitative des institutions[4]. Au début des années 1990, presque trois décennies suivant la publication de l’article phare de Breton, Sheldon Goldenberg et Valerie Haines (1992 : 302) vont souligner que « le concept de complétude institutionnelle a joué un rôle important dans l’étude des communautés ethniques au sein de la sociologie canadienne » [notre traduction]. Ils vont également reprendre à leur compte les critiques de la notion. Pour eux, il faudrait davantage appréhender la complétude institutionnelle des minorités ethnoculturelles comme une construction sociale, c’est-à-dire qu’on ne devrait pas tenir pour acquis que les institutions des groupes sont uniquement l’effet de leur situation géographique. Entre autres, il y aurait lieu de prendre également en compte leur transformation dans le temps et dans l’espace.

Depuis les années 1990, la sociologie canadienne-anglaise s’est désintéressée de la notion de complétude institutionnelle. Les travaux ont porté sur les caractéristiques individuelles des immigrants sans égards à leur insertion au sein de communautés ethnoculturelles. L’accent mis sur l’immigration, comme l’explique Will Kymlicka (2010 : 34), fait que « nous ne savons pas si les groupes ethniques d’aujourd’hui sont en mesure de conserver le même degré de complexité institutionnelle » (cité dans Cardinal et Hidalgo, 2012 : 59). De plus, certains chercheurs, dont Douglas Baer (2008), tiennent pour acquis que les organisations ethnoculturelles n’intéressent pas les immigrants. Enfin, depuis les années 2000, la montée des sentiments anti-immigrants dans les sociétés occidentales a donné lieu à un regain d’intérêt pour les organisations communautaires au sein des populations immigrantes dorénavant perçues comme des lieux de repli sur soi ou des formes de communautarismes qui minent l’intégration (Joppke, 2005).

L’héritage de Breton et l’étude des minorités francophones du Canada

En marge de la sociologie canadienne-anglaise, les mutations politiques et identitaires qui ont secoué le Canada et le Québec durant les années 1960 et 1970 ont favorisé l’émergence d’un champ de recherche consacré aux minorités francophones du Canada. Ce nouveau champ visait à contrebalancer la perception très répandue au sein de la sociologie canadienne-anglaise que les minorités francophones étaient des groupes ethniques parmi d’autres, alors qu’elles se concevaient comme un groupe fondateur du pays. Cette sociologie cherchait aussi à combler le vide laissé par la sociologie québécoise qui limitait de plus en plus son champ d’étude à la société québécoise.

Parmi les principaux sociologues des minorités francophones, Danielle Juteau fait figure de pionnière. Formée à l’École canadienne-anglaise des relations ethniques à l’Université de Toronto, elle a étudié notamment les processus qui ont provoqué l’éclatement de la référence canadienne-française. Elle a complété son doctorat en 1974, et obtenu un poste de professeure à l’Université d’Ottawa, où elle se consacre à l’étude des processus qui ont conduit au développement des identités minoritaires à l’extérieur du Québec (Juteau, 2015). Elle met l’accent sur le rôle clé de l’État dans la catégorisation et la formation des groupes, ou ce qu’elle nomme les rapports de communalisation, un concept qu’elle reprend de Max Weber. Elle procède ainsi à la déconstruction des processus d’ethnicisation des groupes par l’État au sein des sociétés modernes en privilégiant le cas des francophones du Canada (Juteau-Lee et Lapointe, 1979 ; Juteau-Lee, 1982).

Juteau ne s’est pas attardée à la notion de complétude institutionnelle malgré sa parenté intellectuelle avec les travaux de Breton. Elle a néanmoins jeté les bases d’une sociologie des minorités francophones que les chercheurs de ces milieux allaient combiner avec les idées de Breton pour donner lieu à une approche inédite. Ces derniers vont étudier, d’une part, les processus de minorisation des francophones du Canada par l’État fédéral et, d’autre part, leurs mobilisations historiques pour la défense de leurs droits et la mise en place d’institutions gérées par et pour les groupes francophones[5]. À titre d’exemple, dans ses travaux sur la première Entente Canada-communauté visant à appuyer les milieux fransaskois, Wilfrid Denis (1993 ; 1994) interroge la nature contradictoire du comportement de l’État canadien envers la complétude institutionnelle des minorités francophones[6].

Pour sa part, Edmund Aunger (1998 ; 2001 ; 2005) consacre de nombreux travaux aux moyens par lesquels le gouvernement de l’Alberta, depuis sa création, a cherché à minoriser les francophones de la province. Il souligne également dans une étude exhaustive comprenant au-delà de 1800 municipalités au Canada que plus les francophones dans ces municipalités possédaient un éventail d’institutions homogènes, plus elles avaient de chances d’assurer leur pérennité (Aunger, 2010). Linda Cardinal (1997 ; 1998 ; 2001) aussi consacre une part importante de ses travaux à étudier la minorité francophone de l’Ontario, combinant les approches de Juteau et de Breton. Rodrigue Landry (2012 ; aussi Landry et Allard, 1996 ; Landry et al., 2010) mobilise la complétude institutionnelle, d’abord pour développer un modèle de vitalité ethnolinguistique, ensuite afin d’éclairer la question de l’autonomie culturelle des minorités francophones à l’extérieur du Québec.

Enfin, en Acadie, Daniel Bourgeois et Yves Bourgeois (2012 ; voir aussi Bourgeois 2007 ; 2011 ; 2014), s’appuyant sur le cas des Acadiens dans le Grand Moncton, montrent que les institutions infra-étatiques sont plus importantes que les associations de la société civile dans la perspective de la complétude institutionnelle. Pour eux, les institutions telles que les conseils scolaires et les régies de santé ont une plus grande incidence sur l’épanouissement d’un groupe parce qu’elles exercent un pouvoir législatif ou administratif ; elles sont gouvernées par des représentants dûment élus ; et elles gèrent des fonds publics souvent importants.

Quant à Breton (1985a ; 1985b), il insiste sur l’importance de doter les francophones hors Québec d’une complétude institutionnelle, en particulier sur le plan économique, un objectif qu’il considère fondamental à toute stratégie en vue d’assurer sa pérennité. Comme le soulignent Linda Cardinal et Eloisa Hidalgo (2012 : 59-60), pour Breton, « plus les francophones travailleront dans leur milieu, plus celui-ci peut constituer un contexte de choix favorable au maintien de l’allégeance des francophones envers leur communauté ».

Dans les années 1990-2000, la notion de complétude institutionnelle trouvera aussi un terreau fertile au sein des groupes voués à la défense des intérêts des minorités francophones. Ces groupes vont insister pour faire reconnaître que leurs écoles, hôpitaux, centres communautaires et culturels devraient être gérés par et pour les francophones. Dans certains cas – que l’on pense aux batailles des francophones pour la gestion scolaire dans leur province respective –, les groupes saisiront les tribunaux afin de faire reconnaître leur droit de contrôler ces institutions. Breton est souvent invité à titre d’expert dans le cadre de ces causes.

Dans une étude sur la notion de complétude institutionnelle au sein des tribunaux, Stéphanie Chouinard (2016) a recensé sept causes juridiques où cette notion est mobilisée[7]. Si cette notion a fait son chemin dans l’interprétation des droits linguistiques, Chouinard montre toutefois que ce sont les tribunaux inférieurs qui en font une utilisation courante, car les juges des cours supérieures ont préféré les notions juridiques de l’égalité réelle ou du principe non écrit de la protection des minorités à celle de complétude institutionnelle.

C’est dans un tel contexte que la notion de complétude institutionnelle a été transportée dans le débat sur la justice. Cardinal et Hidalgo (2012) étendent la portée normative de la notion en lui donnant une dimension juridique. En effet, selon elles, il importe de reconnaître un droit à la complétude institutionnelle pour les minorités francophones comme on reconnaît un droit à l’autodétermination pour les minorités nationales ou un droit à l’accommodement et la non-discrimination pour les minorités ethnoculturelles. Elles cherchent ainsi à faire de la notion de complétude institutionnelle un principe d’interprétation pour l’ensemble des minorités sans États qui cherchent à assurer leur pérennité. Ainsi, elles proposent d’élargir l’éventail des possibles pour ces minorités et invitent les chercheurs à s’intéresser de nouveau à la notion de complétude institutionnelle à la lumière de cette démarche. Comme le présent numéro permet de le constater, des chercheurs qui étudient la situation des minorités ethnoculturelles et linguistiques ont accepté de relever le défi.

La complétude institutionnelle hors des frontières canadiennes

Dans le premier article, Jean-Rémi Carbonneau étudie les Sorabes établis dans les actuels Länder de Saxe et de Brandebourg. Il identifie cinq grandes périodes dans l’évolution de la complétude institutionnelle des milieux sorabes, chacune correspondant à des changements importants au sein du régime politique allemand. Il étudie notamment l’impact de l’effondrement de la République démocratique allemande sur le réseau d’institutions et d’associations des Sorabes. Carbonneau suggère que, malgré la présence d’un réseau d’institutions, appuyé de lois cadres et de droits, l’avenir du peuple sorabe demeure précaire en raison des contraintes exercées sur elles par les institutions de la majorité et la société plus généralement.

Xabier Itçaina, dans le deuxième article, étudie la minorité basque de France. Il rend compte des mobilisations linguistiques et culturelles déclenchées à partir des années 1960, d’abord par le mouvement social basque, ensuite par le réseau d’associations de défense des intérêts basques, débouchant sur une nouvelle gouvernance territoriale basque depuis les années 1990. Pour ce dernier, malgré les avancées de la minorité basque sur le plan des politiques publiques et de la mise en place d’initiatives locales importantes, celle-ci est toujours en situation d’incomplétude institutionnelle.

Dans le troisième article, Jean-François Dupré étudie les populations d’origine hakka à Hong Kong et à Taïwan. Son article brosse un portrait de situations de complétude institutionnelle inégales et contrastées pour les Hakka de ces régions. À Hong Kong, Dupré explique que des politiques linguistiques, éducatives, d’aménagement urbain et autres progressivement mises en place par le gouvernement ont miné la complétude institutionnelle d’antan et ainsi fragilisé, voire menacé l’avenir de la langue hakka. En revanche, les populations hakka à Taïwan bénéficient d’une reconnaissance officielle et des mécanismes de participation et de consultation, dont le Conseil des affaires hakka.

Le dernier article, de Yann Fournis, propose un regard à la fois théorique et conceptuel sur la « nature » particulière des communautés francophones hors Québec dans la vie politique canadienne. L’auteur tente de montrer comment l’État canadien participe de l’essor des communautés et comment ces dernières participent à leur tour de l’essor de l’État canadien. À l’instar de Breton, Fournis conçoit les communautés comme des mini-polities, c’est-à-dire des espaces politiques complexes. L’article se tourne ensuite vers les dynamiques externes qui contribuent à redéfinir les communautés comme un instrument de politique publique au sein d’une stratégie de construction nationale.

En conclusion, les articles regroupés dans ce numéro thématique, en plus de suggérer que la notion de complétude institutionnelle est appelée à faire carrière à l’extérieur des frontières canadiennes, lui donnent aussi une nouvelle portée théorique en l’intégrant notamment à l’approche néo-institutionnaliste en science politique. Cette approche sert à montrer les effets de dépendance de l’action étatique sur des sentiers déjà tracés par les politiques du passé et à étudier les moments de transformation à l’intérieur de ces sentiers. Vus sous cet angle, les articles de ce numéro servent à mieux faire apparaître le rôle clé de l’État dans le développement institutionnel des minorités. En outre, en insérant la notion de complétude institutionnelle au sein d’une approche théorique issue de la science politique, ils contribuent à lui donner un nouveau dynamisme et une nouvelle vie.