Recensions

L’économie participaliste : une alternative contemporaine au capitalisme, de Pascal Lebrun, Montréal, Lux, coll. « Instinct de liberté », 2014, 302 p.[Record]

  • Michaël Tougas

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  • Michaël Tougas
    Étudiant à la maîtrise en science politique, Université du Québec à Montréal
    tougasmichael@gmail.com

Depuis l’échec de l’économie planifiée et centralisée de l’Union soviétique, les propositions d’organisation économique provenant de la gauche radicale sont plutôt rares. Celle-ci semble se concentrer davantage sur des aspects plus directement politiques et éthiques. La gauche radicale aurait-elle concédé la victoire au capitalisme sur le plan économique (p. 16) ? Malgré la rareté de ces propositions, l’une se démarque par sa cohérence et son ampleur. C’est dans l’ouvrage L’économie participaliste : une alternative contemporaine au capitalisme que Pascal Lebrun fait la synthèse de ce modèle économique aussi nommé, par contraction, « écopar ». Ce modèle a été développé dans les années 1980 par les Étatsuniens Michael Albert et Robin Hahnel. Parcourant les milliers de pages et de débats, parfois obscurs et presque uniquement en langue anglaise, Lebrun entreprend donc d’en faire la première synthèse critique pour la présenter au public francophone (p. 18). Si l’écopar trouve des inspirations dans des courants aussi variés que le marxisme non orthodoxe, le socialisme de marché et la théorie économique néoclassique, il n’en demeure pas moins que ses inspirations anarchistes (p. 109-131) orientent et donnent sa cohérence au modèle économique (p. 82-85). En effet, les valeurs libertaires telles que l’équité, l’autogestion, la diversité et la solidarité forment les vecteurs centraux de l’écopar. Celles-ci sont mises de l’avant afin de penser une société plus démocratique, prospère et sans classes sociales (p. 22). Dans le chapitre 2, Lebrun explique le fonctionnement général de l’écopar. Les trois institutions les plus importantes y sont les conseils de travailleurs et de travailleuses (CTT), les conseils de consommation (CC) et les agences de facilitation (AF). Les CTT s’occupent d’organiser, de produire et de distribuer les biens et services pour la société. Fonctionnant sur la base du principe fédératif, les conseils inférieurs élisent leurs délégués et les envoient dans les conseils supérieurs, ces derniers décidant des questions plus générales (p. 46-47). Les questions internes à chaque lieu de travail sont alors gérées par le CTT concordant. À aucun moment les conseils supérieurs ne peuvent s’ingérer dans les affaires des conseils inférieurs (p. 82). En ce sens, les CTT sont autonomes et autogérés. Ils le sont aussi parce qu’Albert et Hahnel soutiennent que « chaque personne devrait avoir une influence sur le processus de décision proportionnelle à l’impact qu’elle en subira » (p. 40). Dès lors, pour maintenir l’équité et la diffusion du pouvoir entre les travailleurs et les travailleuses, l’écopar prévoit qu’il y ait des ensembles équilibrés de tâches (EÉT). Ce principe sous-tend une répartition équitable des tâches – décisionnelles, exécutives, difficiles ou dangereuses, faciles ou agréables – au sein des milieux de travail. Les EÉT servent à éliminer la division sociale et hiérarchisée du travail, de sorte qu’une classe de coordination ne puisse pas s’arroger le pouvoir. En s’appropriant tout le pouvoir décisionnel, son rôle deviendrait dominant dans la société. Quoiqu’il y ait absence d’une bourgeoisie, il est important qu’une autre classe ne puisse la remplacer sous des formes nouvelles (p. 51). Suivant la valeur de l’équité, la rémunération est faite en fonction de l’effort et des sacrifices que chaque personne fournit au travail. La rémunération est comprise en tant que droit à la consommation, l’argent n’existant plus dans ce modèle économique. Pour les personnes se trouvant dans des situations particulières qui ne leur permettraient pas de travailler ou de le faire au même titre que leurs pairs, il est prévu dans l’écopar de compenser leur rémunération. C’est-à-dire que ces personnes auraient droit à la consommation même si elles et ils ne peuvent pas fournir le même temps ou effort. Il y a donc une solidarité économique avec les …