Recensions hors thème

Le nouvel ordre constitutionnel canadien. Du rapatriement à nos jours, sous la dir. de François Rocher et Benoît Pelletier, Québec, Presses de l’Université du Québec, coll. « Politeia », 2013, 367 p.[Record]

  • Yves Laberge

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  • Yves Laberge
    Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté – Centr’ERE
    ylaberge@uottawa.ca

Peu recensé dans les revues universitaires, ce collectif en quatre sections reprend 18 communications présentées lors du colloque organisé par l’Association internationale des études québécoises (AIEQ) en avril 2012 pour souligner le trentième anniversaire du rapatriement de la Constitution canadienne. Initialement, ce colloque était intitulé « 30 ans après le rapatriement, l’état des lieux. Quel bilan ? Quelles perspectives ? » Les participants réunis à l’Université du Québec à Montréal à l’occasion du colloque provenaient de diverses institutions : la plupart étaient des universitaires, des doctorants, des politiciens, mais on comptait aussi deux journalistes, pour le meilleur et pour le pire. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce livre n’est pas une charge contre le rapatriement unilatéral de la Constitution canadienne et ses conséquences ; il est clair que les coresponsables ont voulu – dans un souci d’impartialité – offrir des points de vue opposés, soit critiques, soit au contraire laudatifs envers les événements de 1981-1982 et les étapes qui ont suivi (Accord du lac Meech ; entente constitutionnelle de Charlottetown ; Référendum pancanadien d’octobre 1992 sur l’entente constitutionnelle de Charlottetown) pour s’étendre, dans certains cas, jusqu’aux élections fédérales de 2011 (p. 144). Dans cet ensemble inévitablement inégal, deux des 18 chapitres méritent particulièrement d’être mentionnés : ceux de Louis Bernard et de François Rocher. L’ouvrage commence en force et on saisit rapidement le sentiment partisan qui pouvait être présent durant les négociations. Témoin de cette époque et observateur privilégié des moeurs politiques canadiennes, Bernard (qui se présente comme la seule personne à avoir accompagné René Lévesque durant toutes les séances – cruciales – à huis clos des négociations) (p. 13) touche le noeud du problème dès le chapitre d’ouverture en rappelant un constat troublant sur l’importance accordée par beaucoup de Canadiens anglais au renouvellement de la Constitution canadienne de 1982, qui n’a d’égale que leur indifférence totale envers le point de vue du Québec : « Lors d’un colloque organisé par l’Université McGill, en 2007, […] j’y ai entendu plusieurs représentants du Canada anglais, certains parmi les acteurs du rapatriement de la Constitution, se féliciter chaleureusement de l’accord du 5 novembre 1981 en passant complètement sous silence, comme un fait sans importance, l’absence et l’opposition du Québec » (p. 12). Au terme d’un exposé instructif et nuancé, Bernard conclut sur une métaphore : « Le 5 novembre 1981, le Québec a, en quelque sorte, été mis à la porte du Canada. » (p. 18) Dans une volonté de raviver le contexte de cette époque, les quatre chapitres de la première partie permettent d’exposer les deux perspectives à partir de quatre récits partiels proposés par des intervenants comme Louis Bernard, Howard Leeson, le Terre-Neuvien Brian Peckford et Roger Tassé. Ce dernier attribue même au Québec une partie du blâme quant à l’échec de Meech, sans vraiment prendre en compte le rôle partial des médias et des faiseurs d’opinion, sans oublier l’influence de plusieurs éditorialistes biaisés de monde anglophone : « L’utilisation de la clause dérogatoire pour interdire l’affichage commercial en anglais et l’interprétation un peu excessive de la clause de société distincte visant à calmer les nationalistes au Québec ont donné des munitions aux opposants de Meech. » (p. 51) Sans doute parce que les attentes étaient trop élevées, le septième chapitre de Kenneth McRoberts, portant essentiellement sur la double édification de la nation (canadienne et québécoise), laisse le lecteur sur sa faim car il reste – du moins dans sa première moitié – en amont de la crise constitutionnelle et que sa longue mise en contexte – non sans intérêt – se termine sur une note de politique-fiction …