Recensions

Un drame de la Deuxième Guerre. Le sort de la minorité japonaise aux États-Unis et au Canada, de Greg Robinson, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2011, 317 p.[Record]

  • Jonathan Viger

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  • Jonathan Viger
    Département de sociologie, Université du Québec à Montréal
    vigj@hotmail.com

Dans cet ouvrage, Greg Robinson fait le récit de l’un des aspects de l’histoire de la Deuxième Guerre mondiale en Amérique du Nord qui n’est pas souvent abordé, soit la déportation et la détention de masse de la population d’origine japonaise résidente de la côte Ouest. Son but est d’expliquer le processus qui a mené au décret présidentiel 9066 enclenchant le processus de déportation, mais également de rendre compte de l’expérience des populations de descendance japonaise durant la guerre. Même si l’ouvrage s’intéresse majoritairement au cas des Japonais américains, Robinson replace ces événements à l’intérieur du contexte nord-américain en proposant une comparaison avec la situation des Canadiens japonais, une comparaison présentant à la fois les distinctions et les interconnexions touchant ces deux cas. De plus, il fait un traitement séparé de la situation de la forte minorité japonaise dans l’État d’Hawaï en comparaison avec celle du continent. Il est à noter que cette édition française représente une version abrégée d’un ouvrage originalement publié en anglais et qu’elle comporte un chapitre inédit traitant de la communauté japonaise du Québec. Le point de départ de l’ouvrage est une mise en contexte qui débute par l’immigration japonaise sur le continent, ce qui traduit un désir de Robinson de traiter de son sujet en allant au-delà des limites chronologiques de la guerre pour ainsi présenter l’évolution de la situation qui a ultimement mené les autorités politiques à prendre une décision aussi drastique. Il fait donc état d’un contexte mêlant immigration et tensions raciales. Autant dans les États de la côte du Pacifique qu’en Colombie-Britannique, le développement d’un « problème japonais », alimenté notamment par l’envie des populations blanches face aux succès des immigrants japonais et soutenu par des médias et des hommes politiques puissants, eut une influence importante sur la tragédie qui allait suivre. L’éclatement de la guerre aux suites de l’attaque japonaise de Pearl Harbor ne fit rien pour apaiser le sentiment anti-Japonais répandu à l’ensemble de la côte Ouest. L’hystérie générale et la multiplication de rumeurs sur la déloyauté de la population d’origine japonaise ont entraîné une réaction des autorités politiques. C’est ainsi que les gouvernements canadien et américain en sont arrivés à la décision d’exclure les populations de descendance japonaise de la côte Ouest et de procéder à leur déportation intérieure. Paradoxalement, c’est à Hawaï, où la minorité japonaise était proportionnellement plus forte, que les Japonais américains ont conservé leur liberté, puisque leur internement aurait été trop coûteux, autant pour le gouvernement que pour l’économie locale. Toutefois, cette liberté a grandement été minée par la proclamation de la loi martiale et la domination militaire sur le territoire. L’analyse des processus décisionnels amène Robinson à conclure que, dans les deux cas, la décision découla de considérations politiques et non militaires. Malgré la circulation de rumeurs sur la menace que représentait la population d’origine japonaise dans le cas d’une invasion du Japon sur la côte Ouest, les dirigeants militaires n’ont jamais considéré cette menace comme fondée. La décision des dirigeants politiques a été prise davantage en réaction aux préjugés raciaux de la population, mais elle a également été influencée par leurs propres préjugés. Ce racisme est visible du fait que la déportation visait autant la population née au Japon que les enfants possédant la citoyenneté américaine ou canadienne ; leur déloyauté n’était donc pas basée sur leur nationalité, mais tout simplement sur leur appartenance à une autre race. L’ouvrage quitte ensuite quelque peu l’univers des décideurs politiques pour se concentrer sur l’expérience des populations au cours de la déportation et de l’internement. Les plans pour une évacuation volontaire ont rapidement été abandonnés des …