Recensions

Mission Paris. Les ambassadeurs du Canada en France et le triangle Ottawa-Québec-Paris, sous la dir. de Stéphane Roussel et Greg Donaghy, Montréal, Hurtubise, 2012, 213 p.[Record]

  • Mathieu Landriault

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Cet ouvrage, dirigé par Stéphane Roussel et Greg Donaghy, est le résultat d’un long processus qui a commencé à la suite d’une conférence tenue au musée McCord en 2008. Bien que publié quatre ans plus tard, en 2012, ce recueil composé de neuf chapitres rédigés par des auteurs provenant d’horizons divers parvient à conserver sa pertinence. Surtout, soulignons que ce livre offre une contribution certaine dans deux domaines bien précis : la politique étrangère canadienne et les relations internationales de manière plus générale. Il faut mentionner tout d’abord que l’oeuvre collective est divisée en deux sections : la première décrit les actions et les stratégies de différents ambassadeurs du Canada en poste à Paris (six chapitres) et la deuxième analyse d’un point de vue plus structurel la relation triangulaire entre la France, le Canada et le Québec (trois chapitres). La première partie s’avère particulièrement intéressante car elle permet de déconstruire l’idée que l’État fédéral canadien est un tout unitaire et cohérent. Au contraire, on observe l’espace d’autonomie relative que les ambassadeurs canadiens ont su cultiver pour leurs actions afin d’atteindre leurs buts. Cet exercice permet aussi de complexifier certaines idées populaires en politique étrangère canadienne. Par exemple, le premier chapitre décrivant l’action de l’ambassadeur Philippe Roy, en poste à Paris de 1911 à 1938, présente un Canada de l’entre-deux-guerres pratiquant une diplomatie culturelle dynamique, loin de l’attitude isolationniste prêtée au Canada pendant cette période. Le chapitre 4, rédigé par David Meren, représente un autre excellent exemple de cette contribution. L’auteur décrit les dilemmes auxquels a fait face l’ambassadeur Jules Léger, en poste de 1964 à 1968. Encore une fois, dans une période historique où le comportement internationaliste du Canada semblait primer, Meren fait entrevoir l’ombre du nationalisme canadien qui plane sur l’action internationale canadienne. Toutefois, cette focalisation sur les ambassadeurs canadiens comporte par moments de sérieuses lacunes analytiques. En effet, cet angle d’approche aurait pu pousser plus loin la réflexion dans le débat principal-agent ayant cours en relations internationales. Ce débat a eu pour avantage de complexifier le lien qui unit un gouvernement central et ses émissaires (ambassadeurs, représentants) : le représentant de l’État reçoit un mandat de son gouvernement, mais il possède aussi une certaine latitude pour interpréter et mettre en application ce mandat, ces objectifs. L’intérêt d’un tel agenda de recherche consiste en une théorisation des pressions imposées par des structures et l’autonomie des individus impliqués. Deux chapitres de la première section prennent en considération les deux variables de l’équation : le chapitre de Magali Deleuze sur la guerre d’Algérie et celui de David Meren sur la période 1964-1968 et les nationalismes canadiens, québécois et français réussissent à offrir une contribution intéressante au débat, en traitant autant les pressions imposées par le principal sur l’agent que le niveau de latitude de l’agent face au principal. Par contre, les quatre autres chapitres de la première section déçoivent à cet égard. Les chapitres décrivant les apports de Georges Vanier et de Gérard Pelletier entre autres renvoient davantage à une approche biographique laissant une grande place à l’agent sans décrire de manière satisfaisante les structures pesant sur lui. Une admiration pour ces deux individus est détectable dans ces deux chapitres, laissant peu de place à une analyse complète et satisfaisante. La deuxième section de l’ouvrage présente une analyse plus structurelle du triangle Ottawa-Paris-Québec. Les chapitres de Justin Massie et David Haglund, Anne Légaré et Jérémie Cornut sont de nature complémentaire, détaillant chaque axe de ce triangle. Légaré étudie les dynamiques fédérales (axe Canada-Québec) tandis que Cornut offre un chapitre informatif sur ce triangle vu de France (axes France-Québec et France-Canada). Ces …