Recensions

Repenser l’État : pour une social-démocratie de l’innovation, de Philippe Aghion et Alexandra Roulet, Paris, Coédition Seuil-La République des Idées, 128 p.[Record]

  • Yvan Perrier

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Le titre de cet ouvrage rédigé par Philippe Aghion et Alexandra Roulet est un tantinet trompeur. En fait, les auteurs ne nous proposent pas, dans ce petit « livre manifeste » comportant quatre chapitres, une remise en cause radicale des fondements de l’État. À l’heure où, à leurs yeux, le modèle keynésien est dépassé (p. 8), au moment où la réponse néolibérale du « moins d’État » (p. 10) ne les satisfait pas et où encore le « blairisme » mérite selon eux d’être supplanté (p. 12), ils s’engagent dans une démonstration qui vise à « renforcer le rôle de l’État […] en le réinventant » (p. 11). La réinvention de l’État (l’État français doit-on préciser) dont ils s’appliquent à circonscrire les grands contours s’inscrit dans la mouvance d’une « social-démocratie de l’innovation ». Pour les deux auteurs, dans le contexte de la présente phase de la mondialisation et de la révolution des technologies de l’information qui l’accompagne, la présence de l’État est plus que jamais nécessaire. L’éducation et la santé sont des domaines que l’État ne saurait abandonner. Il en est ainsi, car « sans investissements adéquats dans l’enseignement supérieur, un pays se condamne à la médiocrité en matière de recherche et complique l’insertion des jeunes diplômés sur le marché du travail » (p. 19). Sur cette base, ils plaident en faveur d’un plus grand financement de l’État en éducation qui s’accompagnerait d’une plus grande autonomie pour les universités. S’appuyant sur les études qu’ils ont consultées, ils affirment : « Des universités à la fois bien financées, autonomes et bien gouvernées génèrent davantage de satisfaction au travail, car elles permettent un meilleur appariement employeur-employé et forment des individus plus aptes et mieux adaptés à la vie active. Enfin, de meilleures universités forment de meilleurs enseignants pour le primaire et le secondaire. » (p. 20-21) Ils suggèrent fortement, pour ces deux niveaux d’enseignement, une remise en question de la « pédagogie verticale ». Ils proposent l’adoption d’un panachage des méthodes dites « horizontales » (c’est-à-dire des apprentissages où les étudiants participent en équipe à différentes activités d’apprentissage pédagogique) et des méthodes dites « verticales » (lorsque l’enseignant fait cours et les élèves prennent des notes et travaillent seuls) (p. 25). Une approche pédagogique plus « horizontale » devrait favoriser éventuellement, selon eux, une délégation de l’autorité et des relations de travail plus coopératives (p. 26). Pour ce qui est de la santé, Aghion et Roulet se refusent à présenter ce secteur « comme une charge, une source de dépenses pesant sur la croissance et qu’il faudrait réduire au minimum ». Pour eux, « la santé compte pour une large part dans le bien-être social et le bonheur des gens » et elle est également « créatrice de valeur et source de croissance » (p. 27). Il appartient à l’État, et non à l’individu, « de prendre en charge la majeure partie des dépenses de santé » (p. 28), et ce, pour des raisons « d’équité ». Tableau comparatif à l’appui, ils démontrent que « plus on s’approche d’un système de couverture universelle où peu de frais de santé restent à la charge des patients, plus les gens mourront au même âge, quelles que soient leurs conditions économiques et sociales » (p. 29). Mais voilà, un investissement soutenu dans la santé qui s’accompagne d’un allongement de l’espérance de vie a des conséquences, à moyen terme, sur la pyramide des âges. Aghion et Roulet nous informent ici que « la proportion des plus de 60 ans devrait ainsi passer de 21,5 % en 2007 à plus de 30 % en 2035 » …