Le rôle des programmes de formations supérieures professionnalisantes et les apports formatifs constitutifs a priori des milieux de stages reposent sur un juste équilibre entre divers facteurs qui conditionnent la qualité de la préparation à une profession. L’acquisition des savoirs professionnels et le développement des compétences ne peuvent se jouer totalement dans des structures externes au monde du travail ou dans les centres de formation. L’alternance entre ces deux milieux est au service du développement d’une véritable articulation théorie-pratique permettant aux étudiants, d’une part, d’investir les savoirs théoriques et procéduraux issus de la formation sur le terrain et, d’autre part, de formaliser les savoirs pratiques acquis sur le terrain en situation réelle (Chaubet, Leroux, Masson, Gervais, & Malo, 2018 ; Perrenoud, Altet, Lessard & Paquay, 2008). Cette optimisation recherchée et/ou supposée de l’articulation théorie-pratique implique notamment une conception cohérente, explicite et partagée de la formation par les formateurs de terrain et les institutions de formation, afin de mieux promouvoir, de manière continue, la prise en compte de la pluralité des enjeux et des défis inhérents à l’ingénierie singulière et complexe de cette formation. Cette complexité résulte précisément de ce que chaque situation est investie de tensions, notamment entre les objectifs de formation et les attentes du milieu de stage ou entre les actions visant à soutenir les apprentissages professionnels et celles dont le but est d’évaluer le stagiaire. Les moments de formation en milieu de pratique sont conçus pour permettre au stagiaire d’analyser le travail qu’il a à accomplir au travers d’un ensemble de situations tant formelles qu’informelles (Froehlich, Beausaert, Segers, & Gerken, 2014 ; Zeitler, Guérin, Benghanem, & Jacquet, 2017). Cette analyse réflexive encouragée et soutenue par les formateurs participe d’une transformation identitaire et professionnelle des étudiants-es souhaitée par les institutions. Pour faciliter cette nécessaire transition pensée comme un « rite de passage », les formateurs doivent en saisir et en mesurer l’importance et les enjeux. Ils doivent être en mesure d’analyser à la fois le travail du stagiaire, mais aussi leur propre activité de formateur. Il s’agit pour eux de savoir ce qu’ils font et aussi comment ils procèdent lorsqu’ils agissent pour que le futur professionnel puisse apprendre à faire sans pour autant calquer sur ce qu’il perçoit de son maître de stage, ou imiter l’intention qu’il décode dans les gestes du formateur (Bourassa, 2015). Pour cela, il est nécessaire, d’abord, que chacun des acteurs puisse identifier les compétences adéquates permettant l’accompagnement des stagiaires. Il est important aussi qu’une harmonisation se mette en place entre les superviseurs, d’une part, et les maitres de stages, d’autre part. Ces derniers sont identifiés comme co-formateurs à part entière des stagiaires. Mais cette évolution de l’ingénierie des formations par alternance et les transformations de pratiques qu’elle induit ne peut être possible que si ces différents acteurs disposent d’occasions de rencontres et d’échanges, favorisant une posture et des pratiques d’accompagnement. Dans cette perspective, les communautés de pratiques ou le développement de groupes collaboratifs comme les « REÉVES » au Québec (Regroupement pour l’Étude de l’Évaluation des Enseignants Stagiaires) ou encore le « GRAPPE » en Belgique (Groupe de Recherche sur l’Accompagnement des Pratiques Professionnelles Enseignantes) constituent sans doute des exemples à suivre. Des recherches ont d’ailleurs démontré que ces rencontres ont un effet important sur le développement professionnel des formateurs de terrain (Colognesi & Van Nieuwenhoven, 2019 ; Colognesi, Ayiror, & Van Nieuwenhoven (2018) ; Lebel, Bélair & Monfette, 2015 ; Maes. Colognesi & Van Nieuwenhoven, 2018; Van Nieuwenhoven & Colognesi, 2015 ; Van Nieuwenhoven & Doidinho-Vicoso, 2015). L’analyse du travail de formation auprès de stagiaires est plurielle. Elle peut comprendre notamment l’identification …
Appendices
Bibliographie
- Bélair, L.M., Lebel, C., Monfette, O., Miron, G. & Blanchette, S. (2015). Analyse des outils d’accompagnement et d’évaluation : point de vue des formateurs de terrain. Évaluer. Journal international de Recherche en Éducation et Formation, 2 (2), 9-25
- Colognesi, S., Ayiror, Y., & Van Nieuwenhoven, C. (2018). Quand des maitres de stage et des superviseurs cheminent ensemble pendant deux ans : quels effets sur leur développement professionnel ? Phronesis, 7(4), 36-48.
- Colognesi, S., Parmentier, C. & Van Nieuwenhoven, C. (2018). Des ingrédients pour une relation efficace maitre de stage/stagiaire. Le point de vue des stagiaires. Dans C. Van Nieuwenhoven, S. Colognesi & S. Beausaert (Eds.), L’accompagnement des pratiques professionnelles des enseignants en formation initiale, en insertion et en cours de carrière. (pp. 29-44) Louvain-la-Neuve : Presses universitaires de Louvain.
- Colognesi, S. & Van Nieuwenhoven, C. (2017). Le processus de coévaluation de stage entre superviseurs et étudiants en formation initiale des enseignants du primaire. Canadian Journal of Education, 40 (2), 1-27.
- Deprit, A. & Van Nieuwenhoven, C. (2018). Comment les étudiants se préparent-ils aux stages ? Ressources exploitées et choix stratégiques. Canadian Journal of Education 41 (3), 726-752
- Froehlich, D., Beausaert, S., Segers, M., & Gerken, M. (2014). Learning to stay employable. Career Development International, 19(5), 508-525.
- Lebel, C., Bélair, L.M. & Monfette, O. (2015). Pratiques de jugement d’évaluation d’enseignants associés auprès de leurs stagiaires. In P.F. Coen et L.M » Bélair (eds). Évaluation et autoévaluation : quels espaces de formation ? (199-220) Bruxelles : De Boeck.
- Lebel, C., Bélair, L.M., Monfette, O., Hurtel, B., Miron, G. & Blanchette, S. (2016). Formation de stagiaires en enseignement en situation de handicap : points de vue des formateurs de terrain. Éducation et francophonie, vol. XLIV, no.1, 195-214.
- Maes, O., Colognesi, S. & Van Nieuwenhoven, C. (2018). Accompagner/former ou évaluer/certifier . Une tension rencontrée par les superviseurs de stage des futurs enseignants ? Éducation & Formation, e-308 (10), 95-106.
- Philion, Doucet, Coté, Nadon, Chapleau et Laplante, 2016, le rôle des conseillers aux étudiants en situation de handicap à l’université : perspectives multidisciplinaires. Éducation et Francophonie, vol. XLIV, no.1, 96-116.
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- Van Nieuwenhoven, C. & Doidinho-Vicoso, M-H. (2015). Quel regard les enseignants novices portent-ils sur leurs difficultés et sur les apports d’un dispositif de co-développement ? Dans J-F. Cohen & L. Bélair. Évaluation et autoévaluation : quels espaces de formation ? (241-258). Bruxelles : De Boeck.
- Vial, M. & Caparos-Mencacci, N. (2007). L’accompagnement professionnel ? Méthodes à l’usage des praticiens exerçant une fonction éducative. Bruxelles : De Boeck.
- Zeitler, A., Guérin, J., Benghanem, S. & Jacquet, E. (2017). Ergonomie des situations de formation : analyser l’apprentissage comme un travail. Éducation permanente, Hors-série AFPA, 145-156.