Comptes rendus

Jean Grondin et Garth Green, dir., Religion et vérité. La philosophie de la religion à l’âge séculier, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, coll. « Philosophie de la religion », 2017, 282 pages[Record]

  • Giulio Mellana

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  • Giulio Mellana
    Université Laval, Québec, Sorbonne Université, Paris

Actes du Colloque 2015 de la Société francophone de la philosophie de la religion, Religion et vérité est un ouvrage qui se propose d’étudier et d’approfondir le sens de la vérité religieuse dans l’époque qui est la nôtre, fortement marquée par ce que les historiens appellent « sécularisation ». C’est pourquoi, dès l’introduction, Jean Grondin place cet ouvrage dans le tracé de L’âge séculier de Charles Taylor, dont la voix ouvre le volume avec la transcription d’une discussion publique ayant eu lieu le 2 octobre 2015, à l’Université McGill, entre Charles Taylor, Jean Grondin et quelques intervenants. Taylor précise alors que l’expression « âge post-séculier » (Habermas) est à son avis susceptible d’une mécompréhension, car elle donnerait à penser qu’il existe un âge après celui de la sécularité, tandis que la post-sécularité serait à entendre plus précisément comme un changement de regard à l’intérieur du même âge séculier ; un regard, donc, qui cherche à être à la hauteur de la sécularité que nous habitons. La première section de l’ouvrage collectif, intitulée « La religion comme expérience de vérité », recueille les interventions de Jean Greisch, Jean Grondin, Ghislain Waterlot, Pierre Gisel, Carla Canullo et Yannick Courtel. Greisch approche magistralement le thème par une exégèse de l’Évangile de Jean. Le point de départ est une analyse du « faire la vérité » (Jn 5,21), par quoi Greisch conduit ensuite le lecteur, à travers les questions de la liberté (Jn 8,31-32) et du τέλος eschatologique (Jn 13,1), au verset de Jn 14,6 : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie », que le philosophe luxembourgeois lit de la manière suivante : « Je suis en chemin, j’ai rendez-vous avec la vérité, je ne suis pas aussi vivant que je pourrais l’être. » Le « rendez-vous avec la vérité » représente le coeur de la plus récente réflexion de Greisch et son noyau original, et l’engage dans une polémique tant avec le « “donjuanisme religieux” des touristes postmodernes », tant avec la soi-disant post-vérité, mais aussi avec les philosophies de l’adieu à la vérité, telles la « pensée faible » de Gianni Vattimo. En conclusion, Greisch rencontre la voix de Franz Rosenzweig et sa théorie messianique de la connaissance, à qui il emprunte la notion de Bewährung, qu’il propose de traduire par « avération » au lieu de « vérification ». C’est en revanche en s’appuyant sur une signification forte du terme « vérification » que Grondin tâche, par sa contribution, de fournir une méthode pour juger de la vérité propre à la religion. Une telle méthode doit se fonder sur trois vérifications distinctes : 1) de la factualité historique, 2) de la véracité des prophéties, 3) de l’authenticité des prédications. Ensuite, le philosophe québécois montre, en s’appuyant sur l’herméneutique gadamérienne, que le propre de l’expérience de la vérité religieuse est d’être transformatrice. La transformation opérée, continue-t-il, par la vérité-révélation est en accord avec la raison, car « l’effort essentiel de la raison est de reconnaître un sens à notre expérience », et donc à l’expérience de cet appel à la transformation. Selon une démarche opposée à celle de Grondin et néanmoins complémentaire, le texte de Waterlot nous invite à aborder la question sub specie mysticae. Ainsi, à la vérité d’une telle expérience appartiennent deux caractères remarquables : « 1) le fait que c’est une expérience dont le fond est secret ; 2) le fait que c’est une expérience “impossible” — au regard de notre intelligence ». …

Appendices