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Antonmarchi, dernier médecin de Napoléon : requiem pour un faussaireLe compte rendu d’autopsie publié en 1825 est un plagiat !Antonmarchi, last physician of Napoleon : requiem for a forger.Autopsy report published in 1825 is a plagiarism ![Record]

  • Roland Jeandel and
  • Jacques Bastien

…more information

  • Roland Jeandel
    Service d’anatomiepathologique,
    Centre Hospitalier de Meaux,
    6-8, rue Saint-Fiacre,
    BP 218,
    77104 Meaux Cedex,
    France.
    r-jeandel@ch-meaux.fr

  • Jacques Bastien
    11, rue du château,
    77470 Monceaux-Les-Meaux,
    France.

Napoléon décéda le samedi 5 mai 1821, à l’âge de 51 ans, après 5 ans et demi d’exil à Sainte-Hélène, petite île perdue au milieu de l’Atlantique sud. Cent quatre vingt-cinq ans plus tard, la détermination de la cause de sa mort continue de susciter des interrogations. A-t-il été empoisonné par ingestion de « mort au rat » ? Était-il intoxiqué par l’arsenic ou le calomel ? Avait-il un cancer de l’estomac ? Était-il tuberculeux ? Est-il possible d’avoir rétrospectivement une certitude diagnostique ? Autant de questions qui ont suscité une multitude de travaux [1-8] et divisé médecins et historiens. L’utilisation de techniques sophistiquées d’expertise médico-légale permit de répondre, il y a quelques années, à certaines interrogations concernant une éventuelle intoxication [5]. Toutefois, la cause précise du décès demeure inconnue et à défaut de pouvoir exhumer le corps de l’Empereur pour effectuer de nouvelles investigations, les médecins continueront d’utiliser cette source précieuse d’analyse et de recherche que constituent les documents émanant de proches et de témoins l’ayant côtoyé durant son exil. Parmi ces documents, le rapport d’autopsie publié en 1825 par le docteur Francesco Antonmarchi est considéré par la plupart des auteurs comme une référence incontournable. Napoléon fut autopsié par Antonmarchi le 6 mai 1821, le lendemain du décès en présence de 17 personnes dont 7 médecins anglais. Trois rapports d’autopsie furent rédigés les 6, 7 et 8 mai par Antonmarchi [1, 9], sir Thomas Reade [9] et le docteur Thomas Shortt [1, 9]. Très proches, ils s’accordaient, entre autres, sur la présence de poumons sains et d’une lésion gastrique d’aspect tumoral. Un compte rendu publié en 1823 par le médecin anglais Walter Henry [1, 9], qui avait refusé de co-signer le compte rendu de Shortt en 1821 pour des raisons qui nous sont inconnues, était peu différent des précédents, mis à part la description d’un aspect efféminé de l’Empereur avec une atrophie des organes génitaux. Enfin, en 1825, Antonmarchi publia, dans ses Mémoires, un second compte rendu d’autopsie [9, 10] plus détaillé que celui qu’il avait écrit précédemment, avec de nombreux ajouts, concernant notamment les poumons, décrits comme suspects de tuberculose. D’origine corse, Francesco Antonmarchi (1789-1838) étudia la médecine en Italie. Docteur en philosophie et en médecine en 1808, il devint docteur en chirurgie quatre ans plus tard. En 1813, il fut nommé prosecteur du célèbre anatomiste Paolo Mascagni à l’Université de Florence. Lorsqu’il fut recruté, à Rome, par la famille de Napoléon et le cardinal Joseph Fesch, pour remplacer l’irlandais Barry E. O’Méara, médecin personnel de l’Empereur depuis le début de son exil, il avait peu exercé la médecine clinique et possédait avant tout une expérience et des compétences en anatomie et en anatomie pathologique. Arrivé à Sainte-Hélène en septembre 1819, il restera le médecin de l’Empereur jusqu’à son décès, le 5 mai 1821. Peu apprécié par certains, le jugeant « léger, bavard, vaniteux et assez ignorant » [8] ou manquant de coeur et de compétence [7], il est réhabilité par d’autres, dont le chirurgien François Paoli, qui mettent en avant ses qualités professionnelles, son « dévouement de médecin » et son « immense générosité » [11, 12]. Désireux de savoir comment étaient définies, dans la littérature médicale française des années 1820-1825, les pathologies dont l’Empereur était atteint, l’un de nous (J. Bastien) découvrit une étonnante supercherie en parcourant les Revues de médecine de l’époque. À la lecture d’un article du Dr Rullier, publié en 1823 dans les Archives générales de médecine(Figure 1), intitulé : « Note sur un petit engorgement cancéreux de l’estomac, extrêmement circonscrit, perforé à son centre, et suivi de l’épanchement des alimens …

Appendices