Faits et chiffresFeatures and Figures

Tuberculose et VIH : drame de l’AfriqueTuberculosis and HIV: the drama of Africa[Record]

  • Dominique Labie

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  • Dominique Labie
    Département de génétique, développement et pathologie moléculaire,
    Institut Cochin,
    24, rue du Faubourg Saint-Jacques,
    75014 Paris,
    France.
    labie@cochin.inserm.fr

Depuis quelques décennies, on avait cru à une régression de la tuberculose. Les conditions d’hygiène s’amélioraient. Avec le BCG, on avait un vaccin, imparfait certes, mais néanmoins efficace. Mais au cours de ces dernières années, la maladie a repris avec une amplitude sans précédent et a fait l’objet de toute une série d’articles dans le numéro du Lancet du 12 mars 2006. Les auteurs distinguent quatre variantes dans l’épidémiologie de la tuberculose [1]. La maladie est devenue rare dans nos pays industrialisés, liée essentiellement à l’immigration. En pays sous-développés, mais dans lesquels le VIH reste rare, elle se présente sous les formes que nous avons classiquement connues. Deux problèmes nouveaux aggravent actuellement la situation. À la suite de traitements sans doute insuffisants, la présence de souches multirésistantes est fréquente dans les pays de l’Est. Mais c’est en Afrique sub-saharienne, surtout de l’extrême sud et de l’est qu’on observe la situation la plus dramatique, quand la tuberculose se développe en même temps que le VIH. Cette association crée des défis nouveaux qui dépendent, au moins partiellement, de l’amélioration de l’accès aux traitements antiviraux. Rappelons d’abord quelques données épidémiologiques chiffrées. Un rapport de l’OMS donne des observations faites en 2003 [2]. On avait cette année-là enregistré 8,8 millions de nouveaux cas de tuberculose et 1,7 millions de décès, dont respectivement 27 et 31 % en Afrique [3]. Si, en valeur absolue, on compte plus de cas en Asie (Inde, Sud-Est Asiatique, Indonésie, Chine), la proportion est de beaucoup supérieure dans les pays où l’endémie de tuberculose coïncide avec l’expansion du VIH, en moyenne 38 % de tuberculeux VIH positifs dans les pays africains, jusqu’à 75 % dans certaines régions (Zimbabwe, Kenya, Malawi…) (Figure 1). La tuberculose, comme infection opportuniste, est la cause majeure de décès des sidéens, et se présente souvent comme le premier signe révélateur d’une infection par le VIH. Chez des sujets immunodéprimés, la proportion de tuberculeux a augmenté de plus de 6 % par an. En Afrique du Sud où la proportion d’individus VIH+ dépasse 20 %, l’incidence des tuberculoses pulmonaires atteint 461 à 719 cas pour 100 000 habitants (contre 5 pour 100 000 aux États-Unis). La durée de contagiosité chez les sidéens est nettement inférieure est ce qu’elle est chez les sujets VIH négatifs, alors que leur susceptibilité à la contagion est très supérieure. Ces deux facteurs, susceptibilité accrue et contagiosité prolongée des non sidéens expliquent bien l’incidence élevée. La tuberculose se présente majoritairement comme une maladie touchant les hommes, surtout les hommes jeunes (statistiques faites en 2004), mais il n’est pas exclu que les conditions de recensement de la population introduisent des biais statistiques. Une difficulté supplémentaire tient au fait que le diagnostic peut être difficile, les symptômes étant souvent atypiques ou banaux : pneumonie aiguë, toux traînante, fièvre, diarrhée. Des autopsies dans plusieurs pays ont montré qu’un diagnostic exact n’avait été fait que dans 50 % des cas environ. De nombreux diagnostics sont tardifs, ayant permis la contagion à partir de cas non détectés. Dans les pays où coexistent les deux pathologies à l’état endémique, la recherche du VIH s’impose chez tout tuberculeux. Une difficulté sociologique réside aussi dans le fait que les approches diagnostiques sont historiquement différentes. Les campagnes anti-tuberculeuses ont été publiques, alors que la recherche du Sida est, en principe, individuelle et confidentielle. Or il semble qu’actuellement le VIH ne soit recherché que chez environ 10 % des Africains atteints de tuberculose pulmonaire [4]. La technique actuelle, examen des crachats au microscope, n’a pas beaucoup changé depuis les années 1880 : elle explore 0,2 μl de matériel ; un résultat …

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