ÉditorialEditorial

Le protéasome, une machinerie cellulaire qui dégrade les protéinesProteasome, a cellular machinery for protein degradation[Record]

  • Nadia Benaroudj

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  • Nadia Benaroudj
    Unité de repliement et de modélisation des protéines,
    Institut Pasteur, 25-28, rue du Docteur Roux,
    75724 Paris Cedex 15, France.
    nbenarou@pasteur.fr

Il n’est pas toujours aisé pour des chercheurs d’apprécier l’impact du sujet de recherche dont ils s’efforcent de percer les mystères. Un domaine d’étude peut démarrer par une simple curiosité intellectuelle et devenir des décennies plus tard un domaine incontournable de la biologie. L’étude de la dégradation des protéines par le protéasome en est une illustration. Dès le début des années 1940, Rudolph Schoenheimer démontre que les protéines sont continuellement dégradées en acides aminés qui sont recyclés dans la biosynthèse des protéines. Il existe donc un équilibre entre la synthèse et la dégradation des protéines, « l’équilibre dynamique des constituants de la matière vivante » [1]. Mais il faudra attendre les années 1970 pour isoler la protéase responsable de la dégradation des protéines cytosoliques et nucléaires des cellules eucaryotes : le protéasome, également appelé protéase multicatalytique ou prosome. Ce qu’on appelle communément le protéasome (ou protéasome 26S) est en fait un gigantesque assemblage multiprotéique (d’environ 2,5 millions de daltons), constitué d’au moins 45 chaînes polypeptidiques, qui dégrade les protéines par un mécanisme nécessitant l’hydrolyse d’ATP. Cet assemblage est formé de deux complexes distincts, les protéasomes 20S et 19S (Figure 1). Le protéasome 20S est constitué de 28 sous-unités qui s’assemblent en quatre anneaux heptamériques superposés conférant au protéasome 20S une architecture en tonneau. Les deux anneaux centraux définissent une chambre interne qui contient les sites actifs responsables de l’hydrolyse des liaisons peptidiques (activité peptidasique). L’accès aux deux extrémités de la chambre interne se fait par un conduit formé par deux anneaux périphériques, situés de part et d’autre des anneaux centraux. Les anneaux périphériques agissent aussi comme une barrière bloquant l’accès à la chambre interne. Les sites actifs peptidasiques sont donc confinés à l’intérieur du protéasome 20S et isolés de l’environnement cellulaire. Grâce à cette architecture, les protéines de la cellule sont protégées d’une dégradation inopportune. Le protéasome 20S constitue à lui seul un compartiment dans la cellule, et cette particule est devenu le paradigme d’une nouvelle classe de protéases : les protéases « autocompartimentées ». Le protéasome 19S flanque l’une ou les deux extrémités du protéasome 20S. Il est constitué d’au moins 17 sous-unités différentes, dont 6 sous-unités ATPasiques qui forment un anneau hexamérique interragissant avec le protéasome 20S. Le protéasome 19S est responsable de la reconnaissance des protéines destinées à être dégradées. Généralement (mais pas exclusivement, comme le montre l’article d’E. Andermarcher et al.) ((→) m/s 2005, n° 2, p. 141), les protéines destinées à la dégradation sont préalablement marquées par un signal de destruction, une chaîne de molécules d’ubiquitine (une protéine de 76 acides aminés) liées de façon covalente. Ce marquage, appelé ubiquitinylation, est réalisé au terme d’une cascade enzymatique qui met en jeu trois enzymes : l’enzyme activatrice de l’ubiquitine (E1), l’enzyme de conjugaison (E2) et la ligase de l’ubiquitine (E3). L’ubiquitinylation permet la sélectivité et assure un contrôle temporel de la dégradation des protéines. La voie de l’ubiquitinylation a été découverte par Aaron Ciechanover, Avram Hershko et Irwin Rose, découverte pour laquelle ils ont été lauréats du prix Nobel de Chimie en 2004 ((→) m/s 2004, n° 12, p. 1156). Une autre fonction du protéasome 19S est de déplier les protéines destinées à la dégradation. En effet, les diamètres du conduit d’entrée (1 nm) et de la chambre interne (5 nm) ne permettent pas au protéasome 20S d’encapsuler des protéines natives. Les protéines doivent donc être dépliées avant de pénétrer dans la particule 20S : ce dépliement des protéines reconnues par le protéasome 19S est réalisé par les sous-unités ATPasiques grâce à l’énergie produite par l’hydrolyse de l’ATP. Ces …

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