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Gènes sans frontières: un contrôle global de l’activité transcriptionnelle à l’échelle de plusieurs gènesGenes without borders[Record]

  • François Spitz

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  • François Spitz
    Department of Zoology and Animal Biology and NCCR Frontiers in Genetics,
    University of Geneva,
    Sciences III, Quai Ernest Ansermet 30, 1211 Genève 4,
    Suisse.
    Francois.Spitz@zoo.unige.ch

Un gène est généralement décrit comme un ensemble composé d’une unité transcrite et d’éléments régulateurs (promoteurs, enhancer et silencer) qui agissent de concert pour déterminer de manière précise l’expression du gène en temps, place et quantité voulus. Pour échapper à l’effet des enhancers ou silencers de ses voisins, un gène est flanqué d’éléments «isolants» qui définissent des frontières à l’action des enhancer/silencers (Figure 1A). Les gènes sont alors essentiellement exprimés de manière autonome même s’il existe des cas de chevauchement physique entre plusieurs gènes (Figure 1B). Ce modèle d’un génome structuré gène par gène vient d’être remis en cause par plusieurs études qui ont comparé de manière globale les profils d’expression des gènes en fonction de leur localisation génomique [1-3]. Chez le nématode, la mouche et l’homme, les gènes adjacents ont tendance à avoir le «même» profil d’expression. Les régions de co-expression ainsi définies contiennent plusieurs gènes distincts (jusqu’à 20) et ne correspondent pas aux classiques complexes multigéniques produits par la duplication d’un gène ancestral (qui partagent souvent les séquences régulatrices héritées de leur ancêtre commun). Selon les auteurs de ces travaux, le génome serait donc composé de vastes domaines de co-expression comprenant plusieurs gènes (Figure 1C). Mais quels sont les mécanismes et les éventuelles fonctions associés à ces domaines d’expression globale ? Les gènes HOX sont regroupés en complexes multigéniques, cette organisation étant liée à leur fonction d’ «architectes» du développement de l’embryon le long de son axe antéro-postérieur [4]. Au cours de l’évolution, les gènes situés dans la partie 5’ du complexe HoxD ont été recrutés pour participer à la formation des membres: ils sont notamment tous exprimés dans la partie distale qui formera les doigts. Plusieurs travaux de notre laboratoire ont montré que cette co-expression dépendait de l’action globale et non spécifique d’un enhancer commun. Nous avons récemment identifié cet enhancer et montré qu’il définissait en fait une région semblable aux domaines de co-expression décrits dans les expériences d’analyse globale d’expression génique [5]. Les deux gènes adjacents au complexe HoxD, Evx2 (à 8kb de Hoxd13) et Lunapark (Lnp, à 90kb), sont exprimés dans la partie distale des membres, avec un profil et une séquence d’activation semblables à ceux de Hoxd13. De plus, Evx2 et Lnp sont co-exprimés dans certaines régions du système nerveux. Une étude fonctionnelle et systématique par transgenèse des 700 kb autour de ce locus a identifié en amont de Lnp (à 250 kb de Hoxd13) une séquence capable d’activer un gène rapporteur dans les membres et le système nerveux, lieux d’expression de Hoxd13 ou Evx2 et Lnp. La perte d’expression d’Evx2 et de Hoxd13 dans le cas de la mutation Ulnaless - une inversion chromosomique qui sépare Evx2 et HoxD de cet enhancer - montre que celui-ci est effectivement impliqué dans l’expression de ces gènes. Cette global control region (GCR) définit un domaine de co-expression qui contient les gènes Lnp, Evx2 et Hoxd13 à Hoxd10, et tout gène inséré dans cette région tombe sous l’influence du GCR et adopte le profil d’expression correspondant [6]. L’introduction de gènes supplémentaires dans la zone d’action du GCR se traduit par une diminution du niveau d’expression des gènes les plus éloignés [7]: ce phénomène de compétition suggère qu’un domaine de co-expression ne se limite pas à une région de chromatine ouverte [2], favorisant passivement l’expression des gènes situés à l’intérieur, mais qu’il doit y avoir interaction entre les promoteurs des gènes et des éléments enhancer du GCR. Cependant, l’extrême conservation du GCR chez différents mammifères (> 95% sur plusieurs kb) et plus généralement …

Appendices