ÉditorialEditorial

L’ère de l’ADNThe DNA era[Record]

  • Bertrand Jordan

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  • Bertrand Jordan
    Marseille-Génopole, case 901,
    Parc Scientifique de Luminy,
    13288 Marseille Cedex 9, France.
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L’ère de l’ADN, nous en situons généralement le début en 1953, avec la découverte de la double hélice. Comme le souligne Axel Kahn dans ce numéro de médecine/ sciences (p. 491), le rôle central de cette molécule apparaît en réalité dès 1944 - du moins pour ceux des scientifiques qui saisissent tout le sens des résultats d’Avery, MacLeod et McCarthy sur la nature du « principe transformant » du pneumocoque. Ces initiés savent dès lors que la structure de l’ADN est la clé de mécanismes encore mystérieux: reproduction, mutations, expression génique… C’est ce qu’avait compris le jeune Watson, et c’est grâce à son intelligence, son ambition, son habileté à obtenir et assembler les informations les plus diverses qu’avec son compère Crick il arrivait dès 1953 à la bonne solution, cette double hélice qui est devenue l’emblème de la biologie moderne. Le modèle de Watson et Crick suggérait immédiatement le mode de duplication de l’information génétique: l’intuition était juste, même si les détails du processus devaient se révéler plus complexes que prévu. En revanche, une fois acquis que la suite des bases A, T, G, C détermine la suite des acides aminés dans les protéines, il restait à découvrir le code et à élucider les différentes étapes de cette matérialisation de l’information, ce qui allait occuper le plus clair des vingt années suivantes… Des astuces techniques permirent parfois d’accélérer le mouvement. Ce fut le cas pour le code génétique: l’on imaginait que son élucidation imposerait la comparaison des séquences de gènes et de celles des protéines correspondantes, ce qui risquait de durer fort longtemps. Mais Matthaei et Nirenberg allaient découvrir dès 1961 qu’un extrait cellulaire était capable, in vitro, de synthétiser un polypeptide à partir d’un polynucléotide de synthèse, et cette trouvaille aussitôt exploitée permit de déchiffrer l’essentiel du code en peu de temps. Les années suivantes furent moins excitantes. Certes, la mécanique de l’expression des gènes était peu à peu révélée: transcription, ARN messager, traduction, et les premières données moléculaires sur la régulation étaient obtenues; mais, vers la fin des années 1960, une certaine impression de piétinement était perceptible. Tout cela allait changer à partir de 1972 avec l’apparition du Génie génétique: l’invention du clonage rendait les gènes directement accessibles. Il était désormais possible de découper en petits fragments un génome complexe, d’isoler chaque morceau dans une bactérie, et de le multiplier à volonté en cultivant ce micro-organisme génétiquement modifié. D’abord laborieuses et aléatoires, ces techniques devaient rapidement se perfectionner, et la lecture rapide de l’ADN devenait réalisable dès la fin de la décennie. Les découvertes s’accumulaient; parmi elles, des surprises de taille, comme le fait que les gènes des eucaryotes supérieurs soient « en morceaux », ou, plus tard, que l’ARN soit capable d’activités catalytiques… La Génétique médicale moderne remportait ses premiers succès avec, en 1983, la localisation du gène impliqué dans la chorée de Huntington (son identification allait, elle, prendre encore dix ans…), et l’on commençait à parler d’un Programme Génome Humain. Programme dont le démarrage fut effectif à partir de 1988 et dont les étapes furent parfois imprévues. Cartographie génétique et physique (pour laquelle notre pays, grâce à l’AFM (Association française contre les myopathies) et à son Généthon, joua un rôle central) ((→) m/s 1990, n° 8, p. 807 et 1992, n° 10, p. 1102), puis irruption de l’approche par les ADNc, spécialité lancée par un individu génial - Craig Venter - et qui allait fournir en peu de temps une foule d’informations sur les gènes tout en lançant le débat sur la brevetabilité du génome ((→) m/s 1993, n° 2, …

Appendices