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La Commission d’orientation sur le cancer vient de publier son rapport, accompagné d’un certain nombre de recommandations, issu des données collectées de septembre à décembre 2002 auprès de 80 personnes intervenant dans le secteur de la cancérologie (professionnels de santé, associations de patients) ainsi qu’auprès de divers organismes spécialisés (DGS, DHOS, InVS, DSS, DGAS, DRT, DGEFP) [1]. Ce rapport, établi à la demande du gouvernement, doit permettre d’orienter les recherches et les mesures susceptibles d’améliorer la lutte contre le cancer, véritable problème de santé publique: le cancer est aujourd’hui en France la première cause de mortalité chez les hommes et la seconde chez les femmes, derrière les maladies cardio-vasculaires. En 1999, le cancer a été la cause d’environ 150000 décès. Les données épidémiologiques présentées dans ce rapport sont l’occasion de faire le point sur l’évolution de l’incidence des différents cancers en France, leur prévalence par sexe et par région, base des recommandations de la Commission d’orientation sur le cancer.

Évolution de l’incidence et de la mortalité

Au cours des vingt dernières années, l’incidence et la prévalence du cancer en France ont augmenté de façon considérable (278000 nouveaux cas en 2000 contre 160000 en 1980). Cependant, l’examen comparé des taux d’évolution annuels moyens d’incidence et de mortalité de divers types de cancers entre 1978 et 2000, chez l’homme et la femme, pourrait donner quelques raisons d’être, sinon optimiste, du moins convaincu que la lutte contre le cancer a fait d’importants progrès depuis les années 1980 (Figures 1 et 2). Tout d’abord, globalement, la forte augmentation du nombre de cas de cancer diagnostiqués découle à la fois d’une plus grande longévité de la population et d’un diagnostic plus précis et plus précoce de nombreux cancers pour lesquels une véritable politique de dépistage a été mise en place. Pour au moins huit types de cancer répertoriés, différents chez l’homme et la femme, la mortalité a diminué dans les 20 dernières années. C’est, par exemple, le cas des cancers colorectaux, systématiquement et régulièrement recherchés dans les familles à risque. Dans certains cas, incidence et mortalité ont décru de façon similaire comme pour le cancer de l’estomac et la maladie de Hodgkin, quel que soit le sexe, le cancer du col de l’utérus chez la femme et les cancers du larynx, de l’oesophage et bucco-pharyngés chez l’homme. Pour le cancer de l’estomac, cette évolution est attribuée à des changements de comportement alimentaire (mode de conservation des aliments, moindre utilisation de saumures et salaisons), en même temps qu’aux progrès thérapeutiques récents d’éradication de la bactérie Helicobacter pylori, sans doute impliquée dans l’étiologie de ce cancer. La diminution des cancers du larynx, de l’oesophage et des voies aériennes supérieures chez l’homme est directement corrélée à la baisse du tabagisme. À l’inverse, les mêmes causes engendrant les mêmes effets, on observe chez les femmes, dont la consommation de tabac s’est accrue depuis les années 1960, une augmentation de l’incidence des cancers bucco-pharyngés et de l’oesophage, ainsi qu’une augmentation de l’incidence des cancers du poumon supérieure à celle de l’homme. La diminution importante de la mortalité associée aux cancers du col de l’utérus est une autre preuve de l’efficacité d’un dépistage précoce par frottis cervico-utérin et des avancées thérapeutiques dans le traitement des lésions pré-cancéreuses. Chez l’homme, bien que le cancer de la prostate soit en forte augmentation, du fait principalement d’un meilleur dépistage et de l’accroissement de la longévité, la mortalité est restée assez stable au cours des vingt dernières années.

Figure 1

Évolution comparative de l’incidence et de la mortalité par cancer chez l’homme entre 1978 et 2000.

Évolution comparative de l’incidence et de la mortalité par cancer chez l’homme entre 1978 et 2000.

LMNH: lymphome malin non hodgkinien; SNC: système nerveux central; LBP: lèvres-bouche-pharynx (d’après [1]).

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Figure 2

Évolution comparative de l’incidence et de la mortalité par cancer chez la femme entre 1978 et 2000.

Évolution comparative de l’incidence et de la mortalité par cancer chez la femme entre 1978 et 2000.

LMNH: lymphome malin non hodgkinien; SNC: système nerveux central; LBP: lèvres-bouche-pharynx (d’après [1]).

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À l’inverse, et c’est sans doute dans ces domaines que le plus de progrès devront être faits, certains cancers montrent une forte augmentation à la fois de leur incidence et de la mortalité associée. Pour certains, comme les mélanomes cutanés, on connaît les mesures préventives à appliquer: photoprotection et limitation de l’exposition au soleil. Ces cancers ont d’ailleurs plus augmenté chez l’homme que chez la femme, reflet peut-être de l’évolution de la société: les hommes aussi veulent bronzer! L’augmentation importante des lymphomes malins non hodgkiniens (LMNH), pour lesquels le déficit immunitaire représente un facteur de risque, pourrait être en partie associée à l’épidémie de SIDA. Trois cancers font l’objet d’une surveillance particulière et d’études plus approfondies du fait de la forte augmentation de leur incidence dans la période considérée: il s’agit des mésothéliomes, des cancers de la thyroïde et du foie. Les mésothéliomes, dont la seule étiologie connue est l’exposition à l’amiante, principalement professionnelle et para-professionnelle (épouses des travailleurs exposés, par exemple) présentent un temps de latence de 30 à 40 ans entre exposition et apparition de la maladie. Aussi, les mesures prises récemment pour protéger les professionnels exposés et éliminer cette fibre de notre environnement pourraient ne pas être très rapidement visibles sur l’incidence de cette maladie. L’augmentation régulière d’apparition de cancers de la thyroïde reste un sujet sensible du fait d’une relation possible avec l’accident de Tchernobyl. Cette relation semble pour l’instant écartée, la tendance à l’augmentation étant apparue dès 1975, donc bien avant l’explosion de la centrale nucléaire, et sa localisation régionale étant plus marquée dans l’Ouest de la France, région la moins exposée au nuage radioactif. Dans le cas du cancer primitif du foie, plusieurs hypothèses pourraient expliquer l’augmentation annuelle moyenne de l’incidence entre 1978 et 2000, qui est de 5,2 % chez l’homme et de 3,6 % chez la femme: augmentation de la consommation d’alcool, évolution des cirrhoses éthyliques en cancer du fait de l’allongement de l’espérance de vie des patients et infections par les virus des hépatites B et C. L’attention particulière qui va être apportée à l’épidémiologie de ces trois types de cancer devrait permettre de mieux comprendre l’inquiétante augmentation de leur incidence.

Facteurs de risques et répartition géographique

Les données publiées dans le rapport concernant les facteurs de risque dans la mortalité par cancer doivent être prises avec beaucoup de circonspection, en particulier concernant la relation entre alimentation et cancer. Des valeurs respectives de 35 %, 30 % et 10 % sont attribuées à l’alimentation, au tabac et à l’alcool. Le lien existant entre la mortalité par cancer et le tabagisme ou la consommation d’alcool est bien documenté et largement démontré scientifiquement depuis de nombreuses années. La commission place donc, comme on pouvait s’y attendre, la lutte contre le tabac et l’alcool en bonne place dans ses propositions d’orientation. En revanche, les données concernant l’alimentation bousculent davantage les idées reçues et sont particulièrement alarmantes si l’on en croit les auteurs du rapport, puisque le régime alimentaire arrive en tête des facteurs de risque, devant le tabac et l’alcool. Selon le rapport, les facteurs alimentaires et nutritionnels interviennent pour 30 à 40 % dans le développement de cancers chez l’homme, et atteignent 60 % chez la femme. Ces valeurs sont malheureusement peu documentées dans le rapport et, de fait, les données scientifiques sont encore insuffisantes pour affirmer sans nuance une telle relation de cause à effet. Il est vrai que ce paramètre est extrêmement complexe à évaluer et que les recommandations dans ce domaine semblent parfois anecdotiques. Selon le rapport, les experts estiment qu’au moins 20 % des cancers pourraient être évités par une consommation adéquate de fruits et de légumes (400 grammes par jour). Les écarts importants de la mortalité par cancer dans certaines régions de France par rapport à la moyenne nationale, de -5 à -15 % dans le sud de la France selon les régions (Corse, Région PACA, Rhône-Alpes et Midi-Pyrénées) pourraient certes être dus au fait que l’on consomme plus de fruits au Sud qu’au Nord, mais aussi à de nombreux autres facteurs qui restent à mesurer plus précisément avant d’inférer de telles liaisons.

Enfin, bien qu’on ne puisse que recommander la pratique d’une activité physique régulière, on reste perplexe devant l’affirmation « que l’activité physique, en elle-même, est aujourd’hui reconnue comme ayant un effet protecteur vis-à-vis de certains cancers » et curieux de lire les données scientifiques qui l’étayent!

Conclusions

Le rapport réalisé par la Commission d’orientation sur le cancer permet de dégager les lignes directrices de la politique de recherche, de prévention et de soins à établir pour les années à venir. Même si la forte augmentation de nouveaux cas de cancer apparus en 2000 par rapport à 1978 est en partie (pour 63 %) liée au vieillissement de la population, il reste que le risque de cancer a effectivement augmenté de 35 %. Cette augmentation incombe largement, pour 2/3 à 4/5 de l’étiologie des pathologies cancéreuses, à des facteurs environnementaux ou associés au comportement comme l’alimentation, le tabagisme, l’alcoolisme et la pollution, sur lesquels on peut agir par une politique de prévention efficace. Dans cette même période, le nombre de décès par cancer a augmenté de 20 %, un nombre inférieur à ce qui était attendu par rapport au vieillissement de la population, et qui correspond en fait à une diminution du risque de décès estimée à environ 8 %. Ces chiffres militent sans doute mieux que de longs discours pour la poursuite et l’intensification de la recherche et des politiques de prévention et de dépistage qui ont été entreprises depuis une vingtaine d’années et dont le bénéfice sur l’évolution de la mortalité est déjà visible.

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