DocumentationComptes rendus

Nolette, Nicole (2015) : Jouer la traduction : théâtre et hétérolinguisme au Canada francophone. Ottawa : Les Presses de l’Université d’Ottawa, 285 p.[Record]

  • Jane Koustas

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  • Jane Koustas
    Brock University, St. Catharines, Ontario

Dans cette oeuvre phare qui « dresse le plan de la circulation en traduction de la production théâtrale de l’Ouest canadien francophone, de l’Ontario français et de l’Acadie » (p. 1), l’auteure élargit, sinon éclate, l’idée de la traduction au théâtre : il s’agit non pas d’une étude de la méthode, de l’histoire ou de la pratique de la traduction théâtrale au Canada, mais plutôt d’une analyse de la traduction comme actant, figurant et symbole qui inspirent, déterminent et soutiennent des pièces fortement ancrées dans un bilinguisme parfois ambigu, contesté et brouillé. Comme le suggère bien le titre, on ne joue pas en traduction ni avec la traduction : l’étude se livre à l’analyse des instances où il est question de « jouer la traduction » et se consacre à l’exploration de la traduction ludique dans le théâtre hétérolingue franco-canadien et du playsir du jeu entre les langues (p. 19). L’auteure précise que son étude porte sur la mise en scène de la traduction ludique dans ce théâtre, ainsi que sur la retraduction de ces spectacles dans un contexte de métropoles où le public ne maîtrise nécessairement qu’une des langues en jeu. On s’intéresse donc non pas à la manière dont la langue investit la dramaturgie, mais plutôt à la façon dont la dramaturgie investit la langue. Dans un premier temps, Nolette, à l’instar de Grutman (2005) et d’autres théoriciens, fait la distinction entre un texte bilingue dans lequel « l’apparition de la langue étrangère est pertinente, non redondante » (p. 23) et un texte diglossique qui fait usage de la redondance afin de produire « une double codification : bilingue (identitaire) et unilingue (exotisante) » (p. 23). Elle signale cependant que cette différenciation s’avère moins nette dans ce corpus hétérolingue franco-canadien. Les jeux de non-redondance et des enjeux identitaires ainsi que les réceptions bilingues et unilingues s’entrecroisent de sorte qu’on envisage, comme objectif ou résultat du jeu de la traduction ludique « des possibles non exclusivement identitaires ou exotisants » (p. 26). Il en est de même pour la distinction traditionnelle entre traduction et intraduisiblité, celle des jeux de mots par exemple, car la traduction ludique ne se limite pas à de telles contraintes et « s’oriente vers une infinitude de la traduction conçue en contiguïté avec la création » (p. 27). Il convient de noter, par contre, que dans les jeux de traduction de la dramaturgie canadienne qui font l’objet de cette étude, il ne s’agit point de délire ou de désillusions, car « leur ludisme est plutôt empreint de lucidité » (p. 47). Une deuxième distinction s’impose, soit celle entre le théâtre identitaire et le théâtre postidentitaire, car, selon Nolette, la transition entre les deux est loin d’être achevée dans ce contexte, et les oeuvres de son corpus « s’en servent comme un tremplin pour les jeux vertigineux de la traduction, du plurilinguisme et de l’inachevé » (p. 48). Son corpus est basé sur le « trio Ouest-Ontario-Acadie » (p. 58) et débute avec la discussion concernant le théâtre de l’ouest, séparé par la plus grande distance géographique de Toronto et de Montréal, à savoir les métropoles théâtrales francophone et anglophone. Comme le précise l’auteure en citant François Paré (2003), le théâtre et le jeu proposent une manière d’habiter cette distance. Nolette se penche sur les spectacles phares de Marc Prescott, Sex, lies et les Franco-Manitobiens, de David Eaney et d’Ian Nelson, Scarpin !, une adaptation intitulée Les fourberies de Scapin, L’article 23 de Claude Dorge, ainsi que sur une pièce moins récente, Je m’en vais à Régina de Roger Auger, tous ces …

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