DocumentationComptes rendus

Pasewalk, Silke, Neidlinger, Dieter et Loogus, Terje, dir. (2014) : Interkulturalität und (literarisches) Übersetzen. Tübingen : Stauffenburg, 334 p.[Record]

  • Jürgen Heizmann

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  • Jürgen Heizmann
    Université de Montréal, Montréal, Canada

Une scène du film Lost in Translation de Sophia Coppola (États-Unis 2003) illustre les problèmes émanant de la collision entre deux langues et deux cultures. L’acteur Bob Harris (interprété par Bill Murray) se trouve dans un studio de Tokyo pour y tourner une publicité. L’interprète japonaise lui transmet les instructions du réalisateur japonais, mais l’original et la traduction diffèrent énormément : l’interprète condense le monologue du réalisateur en une demi-phrase, au grand étonnement d’un Bob Harris perplexe. Cette scène résume aussi les problématiques de la traduction : compréhension et incompréhension, rencontre de deux cultures (un Américain au Japon), divergences entre langues et cultures, adéquation d’une traduction, perte ou gain d’une traduction. Dans les théories récentes de traductologie, la culture et le transfert entre les cultures ont gagné une importance significative, au point que les cultural studies, à la suite du tournant culturel pris par les études postcoloniales (Homi Bhaba et Gayatri Spivak), ont définitivement remplacé la linguistique comme discipline majeure de la traductologie. Pour résumer très brièvement ce phénomène : aujourd’hui, on s’accorde sur le fait que l’on ne traduit pas des langues, mais des cultures. Ce recueil, fruit d’un congrès international qui s’est tenu du 30 septembre au 2 octobre 2011 à Tartu en Estonie et qui rassemblait des germanistes, des traductologues et des traducteurs, s’inscrit dans cet ordre d’idées. Cet ouvrage a pour prémisse que le paradigme de l’interculturalité est bien établi dans les sciences littéraires et dans la traductologie, mais que, malgré tout, les deux disciplines n’échangent guère leur point de vue sur les possibilités et les limites de ce paradigme. Ni la traduction ni la littérature ne peuvent désormais être abordées en dehors de la culture, telle est l’idée principale de l’ouvrage divisé en cinq chapitres : 1. Conceptions de l’interculturalité et de la culture dans les sciences littéraires et la traductologie ; 2. Littérature et traduction ; 3. Littérature et interculturalité ; 4. Traduction comme transfert entre cultures ; 5. Traduction et allemand comme langue étrangère. Les articles du premier chapitre visent à clarifier les concepts de culture, d’interculturalité et de transculturalité. Le dernier concept, défendu notamment par le philosophe Wolfgang Welsch dans l’espace germanophone, ne définit plus les cultures comme entités séparées, mais comme point de départ d’un modèle d’interpénétration et d’hybridité de chaque culture. Dans leur contribution, Corinna Albrecht, Terje Loogus et Christine Nord insistent chacune sur le fait que les conceptions de l’interculturalité peuvent bel et bien coexister avec la transculturalité. Christine Nord admet que, dans l’ère de la mondialisation et d’un monde interconnecté, on ne trouve plus de groupes homogènes ; l’auteure souligne que chaque traducteur et interprète a cependant conscience que des malentendus créés par son propre contexte culturel sont toujours possibles, ce qui ne serait pas le cas si chaque individu possédait une identité transculturelle comme Welsch le prétend. Notre perception et notre évaluation des situations sont guidées par notre formation socioculturelle. Selon Albrecht, la confrontation avec l’étranger ouvre les yeux sur le fait que notre mode de perception et d’interprétation est toujours associé à une culture. En conséquence, l’interculturalité est un processus de conscience et de cognition autoréflexif qui aide à surmonter l’ethnocentrisme en partant d’une pluralité culturelle qui inclut la perspective de l’autre. Terje Loogus, quant à elle, décrit dans une récapitulation historique comment culture est devenue le terme central de la traductologie. Un représentant important de cette orientation est le fondateur de la théorie du skopos (Skopostheorie), Hans J. Vermeer, qui a défini la culture comme la somme de toutes les normes et conventions qui règlent la coexistence et les …