Recensions

Jean-Marc Vercruysse, dir., La résurrection de Lazare. Arras, Artois Presses Université (coll. « Graphè », 26), 2017, 230 p.[Record]

  • Guylain Prince

…more information

  • Guylain Prince
    Université Laval, Québec

Tirée de l’Évangile de Jean (chap. 11), la figure de Lazare inspire la livrée 2017 de la collection Graphè (no 26). Cet ouvrage multidisciplinaire couvre vingt siècles de productions artistiques et littéraires qui se basent sur le célèbre ami du Nazaréen. Dans la préface du numéro original — alors un périodique —, Jacques Sys proposait une vision : « Qu’une méditation s’élève parmi des universitaires sur l’intrication des textes sacrés et de la culture occidentale » (1992, no 1, p. 10). En 2011, le périodique est alors intégré aux collections thématiques d’Artois Presses Université. S’il y a un changement dans la facture de la publication (papier plus lourd et satiné, intégration d’images en couleurs, etc.), son directeur d’alors, Jean-Marc Vercruysse, confirme l’orientation initiale : Graphè traite de la Bible et de « son influence dans les cultures, les littératures et les arts ». L’édition sur la Résurrection de Lazare propose donc treize études comme autant de facettes du thème à travers l’histoire. Pour en simplifier la présentation, je les ai rassemblées en quatre ensembles : 1) analyse de la péricope (Jn 11), 2) relectures juives ou judaïsantes du texte évangélique, 3) relectures croyantes ou intra-ecclésiales, 4) relectures laïques ou extra-ecclésiales. D’abord, le premier texte d’Yves-Marie Blanchard analyse le récit de l’Évangile de Jean « en tant que littérature », c’est-à-dire avec une approche synchronique. Utilisant librement le schéma quinaire de l’analyse narrative, il explore avec finesse le récit. En définitive, le personnage de Lazare semble presque accessoire, d’autant qu’il est muet, et sert de prétexte à mettre en valeur un discours sur l’identité de Jésus et la profession de foi de l’entourage, dont celles de Marthe et de Marie. L’auteur souligne la valeur littéraire de l’épisode et la richesse des personnages. L’intrigue est « menée de façon magistrale » (p. 31), avec ce qu’il faut de tension pour rendre le tout intéressant. Par-delà les défis de nature historique, le récit évangélique, en lui-même, peut expliquer son rayonnement exceptionnel dans les siècles subséquents. Le personnage « plat » de Lazare (il ne dit rien, ne fait rien, sinon être présent au repas de l’onction au chapitre 12) ouvre toutes grandes les possibilités de relecture et de réinterprétation. Les textes suivants illustreront ce propos parfaitement. Ensuite, deux articles, très différents, présentent des relectures « juives » ou judaïsantes du récit. Nanine Charbonnel commente le texte comme un midrash. À partir de l’héritage biblique, elle propose une audacieuse lecture où Lazare (hb. Dieu secourt) personnifie le peuple juif, souffrant et réduit au silence, qui accueille l’action salvifique de Jésus (hb. Dieu sauve) que l’évangéliste Jean considère comme Messie. Tablant sur l’étymologie de Lazare et sur les occurrences de ce nom dans les livres bibliques et extrabibliques (Nombres, Josué, ainsi que 2-3-4 Maccabées), voici que le prénom est enrichi de noblesse dans l’épreuve et de fidélité dans la souffrance. De plus, le binôme Jésus-Lazare est aussi informé par celui de Josué-Él’azar, les successeurs de Moïse et Aaron. Donc, autour des révoltes juives (70 et 135 de notre ère), le nom Él’azar aurait été, selon l’auteur, « porteur symbolique de l’identité juive » (p. 41). Par-delà la trame immédiate du récit, l’Évangile de Jean propose un signe (semeion) qu’il faut déchiffrer et interpréter ; il annonce, bien sûr, la passion de Jésus, mais ouvre aussi et surtout un espace où plusieurs lectures sont possibles. Dans un autre article, Géraldine Roux en proposera une, un peu comme un « dyptique » : Lazare en face de la figure folklorique du Golem. D’inspiration biblique …