Recensions

Amélie Barras, François Dermange, Sarah Nicolet, éd., Réguler le religieux dans les sociétés libérales. Genève, Éditions Labor et Fides (coll. « Religions et modernités »), 2016, 202 p.[Record]

  • Raphaël Mathieu Legault-Laberge

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  • Raphaël Mathieu Legault-Laberge
    Université de Sherbrooke

Cet ouvrage collectif, édité par Amélie Barras, François Dermange et Sarah Nicolet, s’adresse entre autres aux spécialistes des sciences sociales, de l’anthropologie, des sciences juridiques, des sciences de l’éducation et de la théologie qui s’intéressent plus particulièrement aux débats contemporains soulevés par le religieux et la sphère publique. Les contributions présentées ici se concentrent sur les pays occidentaux : Europe de l’Ouest et Amérique du Nord. Les auteurs ayant contribué à l’ouvrage axent leurs questionnements sur les droits et libertés fondamentaux, la portée de la liberté de religion, les transformations qui affectent les démocraties libérales, les lieux de la régulation, les dynamiques entre majorité et minorités, l’identité des acteurs sociaux mis en cause. Mentionnons également que plusieurs contributions à cet ouvrage se fondent sur des études de cas comparatives s’appuyant sur les appartenances nationales. Dès l’introduction (« Réguler le religieux dans les sociétés libérales ? »), Barras et Nicolet soulignent l’importance des changements qui touchent le religieux depuis le 17e siècle. Les deux auteures relèvent trois questions qui guident l’ensemble des réflexions de l’ouvrage : Qui régule ? Qu’est-ce qui est régulé ? Et comment régule-t-on ? Elles indiquent que la fin du monopole étatique en matière de régulation du religieux implique l’apparition de nouveaux acteurs sociaux intéressés au religieux, notamment par le biais du marché économique. D’une part, le religieux est transformé par ces « nouvelles formes de régulation » (p. 13). D’autre part, les régulations elles-mêmes, en tant que procédures et politiques, sont influencées et transformées en fonction des exigences contextuelles qui s’observent d’un État à l’autre en ce qui a trait au pluralisme et à la diversité religieuse. La première partie de l’ouvrage regroupe trois textes à propos de diverses approches théoriques en matière de régulation du religieux. Le chapitre 1, rédigé par Irene Becci et intitulé « La régulation de la pluralité religieuse contemporaine. Les institutions pénitentiaires entre sécurisation et spiritualisation », propose d’analyser les dynamiques de régulation du religieux dans les milieux pénitentiaires en Angleterre et en Suisse. L’aumônerie devient un des secteurs où le religieux s’exprime, mais il « arrive que, dans les établissements carcéraux, des acteurs religieux non liés à l’aumônerie soient appelés à répondre à des besoins religieux individuels ou que des pratiques religieuses soient autorisées en dehors des activités de l’aumônerie » (p. 33). Cela peut, par exemple, impliquer des règles adaptées pour le ramadan ; ces « zones grises » concernent également les manifestations du spirituel en milieu pénitentiaire. Becci observe deux tendances à propos de ces zones grises : la sécurisation en Angleterre et la dérégulation par la spiritualisation en Suisse. Le chapitre 2, « Régulation et sécurisation de l’islam en Suisse. Une limitation de l’intégration démocratique des musulmans ? », est une contribution de Matteo Gianni. L’auteur s’interroge à propos de la façon dont la régulation de l’islam en Suisse se manifeste et si cette régulation permet, notamment, l’intégration démocratique des musulmans. Selon lui, les processus de régulation étatique de l’islam en Suisse relèvent d’une forme de sécurisation, et ceci en fonction de la régulation de l’immigration et de l’intégration des musulmans aux « valeurs “suisses” » (p. 48). Cela va de pair avec une tendance à la régulation restrictive des pratiques liées à l’islam, alors que la régulation vise à discipliner et contrôler ces pratiques. Le chapitre 3, par Éléonore Lépinard, est intitulé « Juger/inclure/imaginer les minorités religieuses. La prise en compte de la subjectivité minoritaire dans l’exercice du jugement au Canada et en France ». Lépinard porte son analyse sur la prise en compte de la subjectivité minoritaire dans certains jugements des deux pays comparés. …