Recensions

Michel O’Neill, L’épopée des Petits frères de la Croix. Histoire d’une nouvelle communauté monastique québécoise dans l’Église catholique d’aujourd’hui. Préface de Raymond Lemieux. Québec, Presses de l’Université Laval, 2014, xxii-232 p.[Record]

  • Paul Laverdure

…more information

  • Paul Laverdure
    Université de Sudbury

« À une époque où la génération des baby boomers québécois abandonnait avec une ardeur certaine un catholicisme qu’elle trouvait étouffant et dépassé, aller contre ce courant relevait du tour de force » (p. 2). Voilà ce qui fait tout l’intérêt de l’objet auquel est consacré ce livre. Comme l’auteur nous informe en effet, quatre nouvelles communautés monastiques masculines sont apparues au Québec depuis le concile Vatican II. En 2013, elles comptaient 24 moines d’un âge moyen nettement inférieur à celui des quatre autres communautés plus traditionnelles qui comptaient 83 membres (p. 142, tableau 4). Sociologue et professeur émérite de l’Université Laval, Michel O’Neill nous livre, dans cet ouvrage destiné au grand public, une étude sociologique d’une des nouvelles communautés religieuses, les Petits frères de la Croix, érigée en 1980 par l’archevêque de Québec, le cardinal Maurice Roy. Dans le titre, le mot « histoire » correspond à la première partie du livre (80 pages) divisée en trois chapitres : la biographie du fondateur, Michel Verret (ch. 1), les premières années de la communauté (ch. 2), jusqu’à la mort du fondateur et les suites de cette mort prématurée (ch. 3). La partie principale est la deuxième, intitulée « La communauté aujourd’hui ». Elle porte sur la communauté en 2013, le charisme, la vie quotidienne et les défis que rencontrent les communautés monastiques en général. Les annexes répertorient les noms et fonctions des personnes interviewées, les entrées et sorties de la communauté, la mobilité au sein de la communauté, et présentent les biographies de chaque Petit frère actuel. Une trentaine de pages de sources et de références bibliographiques complètent l’ensemble et confèrent à l’ouvrage un caractère érudit qui jusque-là était demeuré sous-jacent. Malheureusement, il n’y a pas d’index. L’auteur s’appuie surtout sur les oeuvres sociologiques de Van Lier pour la sociologie religieuse et sur les écrits de Michel Verret lui-même pour la confection de la biographie du fondateur et de l’histoire de la communauté. La force du livre réside dans sa seconde partie. Dans la biographie, Raymond Lemieux et Michel O’Neill dressent un portrait plutôt sympathique de Michel Verret, mais les faits présentés sont déconcertants : une étude psychologique aurait aidé à mieux cerner la piété précoce du jeune Michel, encouragée par une mère qui avait reçu une formation supérieure mais était prisonnière de la pauvreté de la basse-ville de Québec. La même étude aurait fait comprendre l’attrait éprouvé par le jeune homme pour la prêtrise, ses problèmes d’apprentissage, de socialisation avec ses confrères de classe et, enfin, son intérêt pour l’érémitisme. L’importance de la musique et du dessin dans son jeune âge (des arts eux aussi inculqués par sa mère) apparaît dans son intérêt pour les rites byzantins et son habitude de dessiner des monastères imaginaires. Ses mortifications, ses jeûnes supplémentaires et le temps additionnel d’adoration dérangent ses camarades de classe et ses professeurs, avec raison. Sa santé chancèle. Il ne comprend pas que les moqueries de ses camarades dissimulent la peur qu’ils éprouvent devant les mortifications excessives que s’inflige Michel Verret en voulant se faire « prêtre et victime » (p. 22). Son orientation ultérieure vers Charles de Foucauld est particulièrement intéressante lorsqu’on la situe dans la période d’instabilité faisant suite au concile Vatican II. Cette spiritualité si populaire au Canada et dans le monde entier mérite qu’on s’y arrête et l’auteur nous aide à mieux la comprendre. La spiritualité de Foucauld offre en effet un refuge et une structure à la fois, au moment où la Fraternité sacerdotale, communauté d’attache de Verret, devient plus active dans la vie apostolique des paroisses et où lui-même veut devenir plus contemplatif. …