Recensions

Philippe Chareyre, Marc Pelchat, Didier Poton, Marie-Claude Rocher, dir., Huguenots et protestants francophones au Québec. Fragments d’histoire. Préface de Philippe Joutard. Montréal, Novalis, 2014, xxii-343 p.[Record]

  • Jean-Samuel Lapointe

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  • Jean-Samuel Lapointe
    Université Laval, Québec

Ce collectif nous fait parcourir plus de 400 ans d’histoire concernant le protestantisme francophone québécois. À travers les différents fragments d’histoire qui nous y sont présentés, on nous replonge sans cesse dans des questions d’articulation mémorielle. Le protestantisme francophone n’a pas toujours été présent dans l’historiographie religieuse québécoise. Par contre, depuis l’étude de Marc-André Bédard sur les protestants en Nouvelle-France, il y a de cela 37 ans, la recherche portant sur ce patrimoine occulté en a occupé certains. Ce collectif s’inscrit dans ce récent intérêt de la recherche universitaire pour le domaine. Intérêt qui dépasse le sol québécois, comme en témoigne cette équipe de direction formée de deux Québécois, Marie-Claude Rocher et Marc Pelchat, et de deux Français, Philippe Chareyre et Didier Poton. L’ouvrage est partiellement le fruit d’un colloque organisé autour de l’exposition Une présence oubliée, les huguenots en Nouvelle-France présentée par le Musée de l’Amérique française lors des festivités du 400e de la ville de Québec. En feuilletant l’ouvrage, on ressent clairement l’influence du milieu dans lequel il est né et la collaboration avec les Musées de la civilisation du Québec ; grâce à 250 éléments iconographiques, on nous plonge dans une véritable expérience muséale. Ce collectif nous présente dix-sept articles divisés en quatre parties, soit « Les huguenots : sujets protestants d’un royaume catholique », « Les huguenots en Nouvelle-France : interdits, mais tolérés », « Les franco-protestants au Québec : tolérés, mais occultés » et « Huguenots et franco-protestants dans la mémoire du Québec ». Y sont insérées dix-huit capsules d’une à deux pages abordant des sujets variés allant des liens entre la célèbre montre suisse et l’austérité calviniste jusqu’aux débats publics du prêtre apostat Charles Chiniquy. Ces capsules sont originales et fort intéressantes, mais il aurait été intéressant d’en connaître les auteurs. Les premières pages nous présentent plus qu’il n’en faut la possibilité d’un protestantisme souterrain et persistant malgré l’oppression, sans toutefois s’appuyer sur des recherches concrètes. Si Philippe Joutard ne fait qu’évoquer un « hypothétique marranisme huguenot » (p. xv), Marie-Claude Rocher nous révèle que, malgré l’oppression, un nombre restreint « maintient, privément, son attachement à la foi protestante et à la langue française, pratiquant un culte discret, mais tenace » (p. xviii). Quoi qu’il en soit des parallèles que l’on peut faire avec la situation française, la rareté et le mutisme des sources et l’absence d’études sérieuses sur le sujet permettent difficilement de faire de tels liens. Si ce livre peut être profitable autant au chercheur s’intéressant au protestantisme francophone qu’à celui qui traite des questions portant sur la construction et la préservation de la mémoire ; il le sera aussi pour le lecteur tout simplement curieux d’en apprendre davantage sur la minorité protestante franco-québécoise. La première partie est particulièrement utile pour situer le néophyte. S’il semble évident que la présentation des figures marquantes de la Réforme, qu’un rappel des cinq solae, ou qu’une présentation des événements entourant l’édit de Nantes nous aident à bien cerner le protestantisme en Nouvelle-France, l’étude de la construction du mythe d’Henri IV ne l’est pas autant. L’article d’Hugues Daussy, « Henri IV, de la légende au mythe » ne traite pas d’un sujet directement lié au protestantisme québécois. Cependant, l’étude de la construction d’un mythe et de la mémoire collective constitue une bonne entrée en matière dans la mesure où cela nous prépare à aborder le protestantisme du point de vue de la construction mémorielle des minorités. La deuxième partie s’ouvre sur la présence des huguenots en Nouvelle-France, nous présentant la place prépondérante qu’ont occupée les marchands huguenots dans le développement économique de …