Notes critiques

Perspectives modernes sur l’éthique sociale chrétiennePour une relecture des Pères de l’Église[Record]

  • Christel Freu

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  • Christel Freu
    Département des sciences historiques, Université Laval, Québec

Le livre édité par J. Leemans, B.J. Matz et J. Verstraeten, Reading Patristic Texts on Social Ethics. Issues and Challenges for Twenty-First-Century Christian Social Thought, publié en 2011 par les presses de la Catholic University of America à Washington, a réuni les textes de théologiens et d’historiens du christianisme ancien, jeunes ou confirmés, autour de la question de l’apport des textes patristiques à l’éthique sociale des catholiques d’aujourd’hui. Le volume se veut donc un pont entre passé et présent, par l’application de questionnements modernes à la lecture de textes anciens, tout en soulignant les problèmes posés par la singularité de chaque auteur ancien et du contexte dans lequel il écrivait. Le volume se divise en quatre parties, les parties I et IV donnant un cadre théorique à la difficile herméneutique des textes anciens et, ainsi, encadrant les parties II-III concernant l’apport de différents textes patristiques à des sujets d’éthique. La bibliographie commune ne contient pas toujours tous les titres cités en note et c’est bien dommage : ainsi certains titres importants, comme celui de M. Spanneut sur le Stoïcisme des Pères de l’Église, cités en note par B. Matz ne se trouvent pas dans la bibliographie générale. Partant du constat que l’Église catholique d’aujourd’hui utilise très peu les Pères de l’Église dans sa réflexion sur la société et ses problèmes éthiques, les auteurs essaient d’en montrer l’« utilité » pour la pensée contemporaine (cf. les conclusions de J. Leemans et de J. Verstraeten, p. 222-231). D’ailleurs, ce sont bien des préoccupations modernes qui poussent les chercheurs à s’interroger sur l’usure et les prêts d’argent ou sur la notion de « bien commun ». L’ambition du projet, dont ce livre est une des premières pierres, est grande : chercher non pas seulement à convoquer le témoignage des textes anciens pour le présent, mais aussi à fusionner les horizons herméneutiques, celui de la réflexion contemporaine des chrétiens sur les enjeux éthiques et celui des chercheurs en patristique (J. Leemans et J. Verstraeten, p. 231). Les éditeurs en connaissent les limites et les dangers, mais veulent tenter l’expérience. Parmi ces limites, ils soulignent notamment que le rapport des chrétiens d’hier aux pouvoirs du « siècle » est différent de celui des chrétiens d’aujourd’hui : les Pères de l’Église n’auraient pas été si critiques que le sont les contemporains (p. 226-227). Il est évident que les auteurs anciens, vivant sous un régime autocratique, ne pouvaient se permettre une critique directe du pouvoir impérial et de ses lois : mais les Pères savent à l’occasion critiquer les lois des empereurs comme injustes et ne les prennent pas toutes pour fait acquis, même s’ils savent s’appuyer sur elles au besoin. Une analyse plus longue des rapports des Pères de l’Église à la loi romaine montrerait à l’évidence une grande diversité d’attitudes à l’égard du monde séculier. Passons donc à l’analyse des différents articles. La très intéressante introduction de R. Bieringer, p. 3-29, retrace l’histoire de l’herméneutique des textes bibliques et patristiques et les différentes attitudes modernes à l’égard des textes du passé : celle qui, soulignant leur inscription dans un contexte ancien précis, refuse d’y voir un quelconque apport pour le temps présent, par opposition à celle qui, les regardant du point de vue atemporel du structuraliste leur dénie au contraire leur singularité. Se fondant sur les réflexions fécondes des herméneutiques de H.-G. Gadamer et de P. Ricoeur, R. Bieringer rappelle les utiles distinctions à faire entre le monde du texte, le monde derrière le texte (c’est-à-dire le contexte historique) et le monde devant le texte, c’est-à-dire ce qui peut en être tiré par …

Appendices