Recensions

Frédéric Seyler, « Barbarie ou Culture ». L’éthique de l’affectivité dans la phénoménologie de Michel Henry. Paris, Éditions Kimé (coll. « Philosophie en cours »), 2010, 413 p.[Record]

  • Olivier Ducharme

…more information

  • Olivier Ducharme
    Université Laval, Québec

Les études henryennes n’en sont encore qu’à leurs débuts. Tout un travail d’analyse des principaux concepts de l’oeuvre de Michel Henry et du rapport qu’entretient la phénoménologie de M. Henry avec la tradition philosophique demeure à faire. L’ouverture en 2010 du Fonds Michel Henry et l’accessibilité aux archives de ce dernier permettent d’espérer qu’un tel travail va pouvoir s’effectuer et qu’il va permettre de garder en vie la phénoménologie henryenne en lui donnant un nouveau souffle. L’ouvrage de Frédéric Seyler, « Barbarie ou Culture ». L’éthique de l’affectivité dans la phénoménologie de Michel Henry, se veut l’exemple parfait de ce travail d’explicitation, car l’auteur analyse en profondeur le rôle de l’éthique en lien avec la phénoménologie de la vie, lien qui apparaît tardivement dans l’oeuvre de M. Henry et qui n’a pas été porté à l’avant-plan. L’analyse menée par F. Seyler vise ainsi à souligner le rôle essentiel que joue l’éthique au coeur même de la phénoménologie de la vie. Il écrit en guise d’hypothèse de travail : « C’est l’importance pratique, c’est-à-dire éthique, de la Phénoménologie de la vie qui constitue le point de départ de l’enquête ici menée, de même qu’elle en constitue l’hypothèse centrale : la Phénoménologie de la vie de Michel Henry est porteuse d’une éthique, une “éthique de la vie dans la vie” — ou encore : une éthique de l’affectivité — dont il convient d’indiquer les coordonnées principales » (p. 12-13). Toute l’analyse de F. Seyler s’appuie sur le couple antagoniste « barbarie-culture ». Ces deux concepts apparaissent pour la première fois dans l’ouvrage de 1987 de M. Henry, La barbarie. Ce face-à-face entre la culture et la barbarie se traduit par un face-à-face entre l’autodéveloppement de la vie et une autonégation de la vie. La culture se définit chez M. Henry en tant que culture de la vie, c’est-à-dire en tant que développement des potentialités qui sont présentes à même la vie. Sans revenir sur les fondements de la phénoménologie de la vie, nous devons spécifier que la vie se définit chez M. Henry en tant qu’affectivité et que cette affectivité se trouve dans l’immanence absolue du sujet. Ainsi, dans le cadre d’une phénoménologie de la vie, nous devons comprendre la culture comme le développement de nos propres potentialités qui se situent dans notre affectivité. Pour Henry : « Toute culture est une culture de la vie, au double sens où la vie constitue à la fois le sujet de cette culture et son objet » (La barbarie, PUF, p. 14). La culture travaille ainsi à partir de la vie et pour celle-ci. Quant à la barbarie, elle joue le rôle inverse de négation de la vie. Si ce couple semble à première vue si facile à définir, c’est qu’il nous manque l’élément le plus important : la barbarie est le produit d’une autonégation de la vie. À l’opposé de la culture, la barbarie ne vise pas à travailler pour la vie, même si celle-ci demeure à l’origine de cette négation. Au lieu de cultiver les potentialités de la vie, la barbarie travaille à ignorer ces potentialités et à vivre en dehors de soi. Comme le démontre bien F. Seyler, la barbarie se dévoile à même le mécontentement du sujet : « Souffrance, mécontentement de soi, fuite de soi, sentiment d’impuissance et angoisse, telles sont les modalisations pathétiques et affectives à l’oeuvre dans la barbarie, dans le mouvement de la vie lorsque celle-ci se tourne contre elle-même » (p. 42). Se fuir soi-même, c’est-à-dire fuir les potentialités affectives qui sont données par la vie, équivaut à …