Recensions

Marie Gaille, La valeur de la vie. Paris, Les Belles Lettres, 2010, 177 p.[Record]

  • Jacques Quintin

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  • Jacques Quintin
    Université de Sherbrooke

L’A., connue pour ses interprétations de la pensée de Machiavel et traductrice de son oeuvre, a développé un intérêt marqué pour les questions d’éthique médicale. Son livre, La valeur de la vie, en témoigne. D’entrée de jeu, l’A. questionne à savoir s’il existe une égalité de toutes les vies humaines. La philosophie politique et morale comme les sciences humaines nous rappellent qu’il existe véritablement une inégalité de fait entre les vies humaines. Cette question se pose de manière lancinante en contexte hospitalier « dans les décisions de maintien ou d’interruption de vie ». L’A. signale que la question de la valeur de la vie survient principalement au sujet des personnes en fin de vie, des personnes plongées dans un coma végétatif irrémédiable, des enfants en réanimation néonatale et au sujet des enfants à naître dans un contexte de diagnostic prénatal où est mis à jour « un risque ou une certitude d’anomalie ou de maladie ». Cette idée de la valeur de la vie nous conduit directement à la question socratique : « Comment doit-on vivre ? ». Sauf que pour l’A., la question n’est plus tant ce qu’est une « vie bonne », mais ce qu’est une vie « vivable ». Dans l’idée du vivable, c’est la question du seuil ou de la limite qui se dresse. À partir de quel moment précis une vie peut-elle être jugée vivable ou non vivable ? Une vie peut-elle être vivable malgré tous les désagréments engendrés par la maladie ? Ces questions amènent l’A. à défendre la thèse selon laquelle « le jugement sur la valeur de la vie, quel qu’il soit, ne constitue pas un argument moral pour la décision de maintien ou d’interruption de la vie » (p. 22), car l’idée que l’on puisse évaluer, mesurer et hiérarchiser des états de la vie humaine « n’a aucun fondement objectif ». Cette conclusion exige d’établir « un rapport de questionnement » devant les différents arguments pour en faire un objet de discussion en évitant toutefois « l’esprit de polémique ». Pour y parvenir, il s’avère essentiel de procéder à un travail de clarification conceptuelle en adoptant une démarche généalogique inspirée par la pensée de Nietzsche pour repérer l’origine des idées, des croyances, des convictions. Ceci, non pas pour identifier une essence, mais pour mettre à jour les sources de nos interprétations. Certes, si le philosophe peut « établir l’histoire conceptuelle des arguments en jeu », il est moins habile pour analyser les contextes dans lesquels la question de la valeur de la vie se pose. Cependant, l’objectif demeure d’aborder les arguments invoqués dans toute leur complexité afin d’éviter d’envisager ces énoncés de façon abstraite ou « en chambre », car nous risquerions de manquer une part de leur sens. L’A. démontre de cette façon qu’une analyse philosophique de l’idée de valeur de la vie requiert une analyse des différents contextes de son usage. La question de la valeur de la vie soulève un questionnement « sur la légitimité même de son évaluation ». Il constitue l’objet du chapitre trois : « Est-il légitime d’évaluer la vie humaine ? ». Elle soulève aussi un questionnement sur « le contenu de la représentation d’une vie humaine » qui forme le chapitre quatre. Enfin, elle questionne « la légitimité du lien de cause à effet qui est parfois établi entre un jugement sur la valeur de la vie et la décision de maintien ou d’interruption de vie » (p. 30-31), qui constitue le chapitre cinq. Ces trois chapitres posent la question de savoir s’il est légitime, d’un point de vue moral, d’évaluer la …