Recensions

La Bhagavadgītā. Traduction, présentation, notes, synopsis et bibliographie par Marc Ballanfat. Paris, Flammarion, 2007, 218 p.[Record]

  • André Couture

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  • André Couture
    Université Laval, Québec

La Bhagavadgītā est un des textes hindous les plus connus en Occident. Il en existait déjà plusieurs traductions françaises, dont celles de S. Lévi et J.T. Stickney (Adrien-Maisonneuve, 1938), d’A. Kamensky (J.B. Janin, 1947 ; réédition 1994), de S. Radhakrishnan (traduction de la traduction anglaise, avec texte sanskrit ; Adyar, 1954 ; réédition 2001), d’É. Senart (avec texte sanskrit ; Les Belles Lettres, 1967 ; réédition 2004), d’A.-M. Esnoul et O. Lacombe (Fayard, 1972 ; Seuil, 1976), de J.M. Rivière (avec texte sanskrit ; Milan, Archè, 1979), sans compter les traductions et commentaires engagées de Sri Aurobindo ou de Bhaktivedanta Swami Prabhupada. La présente traduction est celle d’un indianiste, agrégé de philosophie, déjà bien connu par deux petits livres de vulgarisation (Introduction aux philosophies de l’Inde, Paris, Ellipses, 2002 ; Le vocabulaire des philosophies de l’Inde, Paris, Ellipses, 2003). Il s’agit à mon avis de la meilleure introduction à ce texte actuellement disponible en français. Elle comprend une présentation (p. 7-32), une note sur la traduction (p. 33-35), la traduction elle-même (p. 37-137), des notes copieuses (p. 136-202), une synopsis du poème chapitre par chapitre (p. 205-212) et une bibliographie (p. 213-218). Il aurait certainement été utile de disposer du texte sanskrit. Le fait que les notes aient été reportées en fin de texte et qu’il n’y ait pas d’index ne facilitent pas non plus la consultation du texte et son étude attentive. Cela dit, il s’agit d’un livre de vulgarisation qui ajoute beaucoup aux livres similaires existant sur le marché et dont l’utilité est manifeste. Ballanfat insiste tout à la fois sur l’unité d’un livre somme toute difficile et sur le fait que ce livre a connu au cours des âges des lectures multiples, parfois contradictoires. Cette option sous-tend le présent ouvrage et le rend d’emblée éminemment recommandable à mes yeux. Afin que le lecteur puisse juger des principales caractéristiques de cette nouvelle traduction, je choisis trois courts extraits et comparerai leur traduction avec celles des travaux désormais classiques de Senart et d’Esnoul et Lacombe. Ce sera l’occasion de faire émerger certains problèmes et d’amorcer une discussion. En 3,23-24 (yadi hy ahaṃ na varteya jātu karmaṇy atandritaḥ | mama vartmānuvartante manuṣyāḥ pārtha sarvaśaḥ || utsīdeyur ime lokā na kuryāṃ karma ced aham | saṅkarasya ca kartā syām upahanyām imāḥ prajāḥ ||), la réponse de Kr̥ṣṇa à Arjuna se lit comme suit dans Senart (la translittération a été uniformisée) : « Si je n’étais pas toujours infatigablement en action, de toutes parts, les hommes, ô fils de Pr̥thā, suivraient mon exemple. Les mondes cesseraient d’exister si je n’accomplissais pas mon oeuvre ; je serais la cause de l’universelle confusion et de la fin des créatures ». Et dans Esnoul et Lacombe : « En vérité, si je n’étais toujours infatigablement engagé dans l’action, fils de Pr̥thā, les hommes, de toutes parts, s’engageraient à ma suite dans la même voie [que moi]. Les mondes s’effondreraient si je n’accomplissais mon oeuvre. C’est moi qui serais cause de la confusion universelle et j’anéantirais ces créatures. » Ballanfat traduit plutôt : « Si je n’étais pas inlassablement engagé dans l’action, et comme les hommes imitent partout ma conduite, les mondes périraient. Si je cessais d’agir, je provoquerais le métissage et l’extinction des êtres. » Parce que la proposition « comme les hommes imitent partout ma conduite » est au présent et rompt avec l’optatif qui précède et celui qui suit, Ballanfat la considère comme une incise, ce qui me semble constituer une nette amélioration par rapport aux traductions habituelles (une traduction d’ailleurs dûment justifiée dans une note de la page …

Appendices