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Beaucoup des églises de Paris ont une histoire particulière, en raison de leur long parcours au fil des siècles et de leur survie, malgré les nombreux sièges, les guerres, et la Révolution, qui auraient pu faire disparaître ces joyaux que nous admirons aujourd’hui. Le magnifique ouvrage de Pierre Chavot présente successivement la plupart des églises des 20 arrondissements parisiens, en retraçant les origines, l’historique, l’architecture et en reproduisant certaines des oeuvres d’art de chaque lieu.

Évidemment, la présentation sous forme de livre des beautés des lieux de culte parisiens ne date pas d’hier. Ainsi, un ouvrage remarquable du même titre (depuis longtemps épuisé) avait été publié il y a presque un demi-siècle par Yvan Christ, montrant les intérieurs et les extérieurs de chaque église, avec l’avantage de décrire très clairement certains des lieux sacrés au sein de leur environnement urbain d’alors, révélant même des rues avoisinantes, des voitures stationnées très près des façades, sous tel aménagement paysager désormais modifié, avec quelques passants[1]. Bien d’autres livres ont été publiés sur les églises parisiennes, et certains de ceux-ci ne sont d’ailleurs disponibles qu’en France[2].

Auteur d’une trentaine de livres, Pierre Chavot présente de manière instructive et vivante l’historique des lieux de culte parisiens, mettant en évidence leur valeur spirituelle, esthétique et patrimoniale. En tout, 59 églises, chapelles et cathédrales y sont présentées. Aucune ne manque parmi les plus célèbres. Chaque notice débute par une brève présentation biographique du « Saint des lieux », expliquant ainsi la raison quant au choix du nom de l’endroit. On peut apprendre qui étaient Séverin, Germain de Paris (p. 94). Pour chaque église, on ajoute une description de son architecture et une analyse de certaines oeuvres d’art qui s’y trouvent. Le lecteur québécois y reconnaîtra les lieux privilégiés de ses visites parisiennes (Sainte-Chapelle ; Notre-Dame de Paris ; Saint-Louis des Invalides ; le Sacré-Coeur), ou certaines découvertes résultant du hasard de ses promenades (comme l’église Saint-Merri, située tout près du Musée Beaubourg). On y trouvera surtout des reproductions de toiles et de vitraux présentés ici avec une luminosité limpide, ce qui contraste avec l’atmosphère souvent sombre qui règne dans ces lieux mal éclairés, ombragés par la faible lumière du jour ou difficilement accessibles. Pour ces raisons, le livre Églises de Paris nous donne en images ce que plusieurs de ces édifices n’offrent plus à leurs visiteurs. Par ailleurs, certains noms d’églises de la fin du xixe siècle pourront étonner les lecteurs : « Sainte-Anne-de-la-Butte-aux-Cailles », ou encore « Saint-Christophe-de-Javel ».

Parmi les innombrables oeuvres reproduites dans ce livre d’art, on remarquera une sculpture de « La Mort de la Vierge » datant du xve siècle d’après le texte (ou du xvie siècle, selon la légende de la reproduction), abordant un sujet rarement traité dans l’art catholique ; l’oeuvre se trouve en l’église Saint-Louis-en-l’Île (p. 56). Plus loin, on découvre avec saisissement une très belle Annonciation (1659) de Daniel Hallé, dans l’église Notre-Dame-de-Bercy, dans le 12e arrondissement (p. 157). Parmi les autres découvertes, notons les tableaux magnifiques de l’église Saint-Thomas-d’Aquin, située sur le boulevard Saint-Germain, à laquelle Pierre Chavot consacre six pages ; celle-ci contient une somptueuse Assomption (de Salvator Rosa) et une toile lumineuse montrant Saint Étienne prêchant l’Évangile (1817), par Abel de Pujol (p. 119). En outre, l’auteur ne nous prive pas des reproductions de toiles de peintres célèbres, comme cette Lutte de Jacob avec l’ange, et Héliodore chassé du Temple, d’Eugène Delacroix, dans l’église Saint-Sulpice (p. 104-105).

Je reste toutefois un peu déçu de ne pas trouver ici une vue d’intérieur de l’immense Église Saint-Eustache, située dans le quartier des Halles, bien que l’auteur nous fournisse quelques belles reproductions de ses tableaux (Saint-Jean Baptiste ; Tobie et l’ange) et une photographie ancienne de son orgue célèbre (p. 18). La même remarque toucherait la majestueuse église de la Madeleine, dans le 8e arrondissement, dont on ne montre pas l’intérieur dans une vue générale. Similairement, je regrette de ne pas trouver ici l’extérieur de l’église Saint-Séverin, située sur la rue du même nom, à la limite du Quartier latin. Néanmoins, malgré ces quelques réserves, le livre Églises de Paris de Pierre Chavot constitue certainement le plus beau livre sur les lieux de culte parisiens qui soit présentement disponible. La splendeur des lieux illustrés dans ce livre luxueux n’a d’égale que la qualité éditoriale de cette magnifique édition. Le chapitre introductif de l’ouvrage relate les menaces qui ont souvent pesé sur les lieux de mémoire ayant heureusement survécu. Un tel ouvrage devrait nous inspirer : serait-il temps de célébrer la valeur patrimoniale de nos propres lieux de culte en voie de disparition ?