Comptes rendus

Demers, Maurice, Connected Struggles : Catholics, Nationalists, and Transnational Relations between Mexico and Quebec, 1917-1945 (Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2014), 290 p.[Record]

  • Geneviève Dorais

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  • Geneviève Dorais
    Département d’histoire, Université du Québec à Montréal

Que la Revue d’histoire de l’Amérique française, revue scientifique consacrée à l’histoire du Québec, interpelle une latino-américaniste pour recenser la première monographie de Maurice Demers témoigne de l’avant-gardisme de ce jeune historien. Se situant à cheval entre les histoires nationales du Mexique et du Québec, Connected Struggles met en lumière des collaborations transnationales pour le moins surprenantes entre des Canadiens français nationalistes et des Mexicains catholiques conservateurs durant la première moitié du XXe siècle. Demers interpelle ses lecteurs d’entrée de jeu : « Who knew nationalists from Quebec and Catholic militants from Mexico once shared a common cause, a cause that influenced the international relations of their respective countries ? » (p. 3) Cette question a le mérite d’annoncer les ambitions scientifiques de Demers tout en suggérant d’emblée l’importance, voire la plurivalence, de la contribution qu’il entend apporter à l’historiographie. Par l’étude des interactions et des échanges culturels qui ont lié pendant la Seconde Guerre mondiale la Unión cultural México-Canadá Francés (UCMCF), fondée à Mexico en 1939, à l’Union des latins d’Amérique (ULA), association soeur située à Montréal, Demers démontre comment des acteurs non étatiques du Mexique et du Québec ont réussi à proposer des visions alternatives du panaméricanisme. Se réclamant d’une même communauté panlatine, des catholiques traditionalistes mexicains et des nationalistes canadiens-français ont oeuvré à l’avancement d’un panaméricanisme basé sur un idéal de coopération entre cultures latines plutôt que sur la préséance de Washington dans la gestion de l’ordre interaméricain. Les mobiles qui ont façonné de tels rapprochements ? Le pragmatisme des sujets historiques étudiés qui, par le biais d’expressions de solidarité continentale, souhaitaient combattre la marginalité politique dans laquelle leurs pays respectifs les cantonnaient. Les deux premiers chapitres retracent dans la longue durée l’essor d’une sensibilité commune entre Canadiens français nationalistes et Mexicains catholiques. Des expériences partagées de survie et de marginalité politique les auraient prédisposés au rapprochement des années 1940 dont traite principalement la thèse de Demers. Celui-ci souhaite également faire ressortir une tradition d’influences et de connexions franco-canadienne et mexicaine, à travers notamment des réseaux catholiques, qui a contribué au développement d’axes de collaboration continentale bien avant que n’éclate la Seconde Guerre mondiale. Les trois chapitres suivants approfondissent l’étude des concepts de la latinité et du pan latinisme, introduits sommairement au sein de la première section. Attardons-nous plus spécifiquement aux conclusions qui touchent le récit national québécois puisque Demers y formule ses contributions les plus audacieuses. La latinité québécoise, soutient Demers, a émergé au cours de la période de l’entre-deux-guerres pour contrer l’américanisation grandissante de la population franco-canadienne. Cette latinité permettait d’établir des liens culturels sur la base de références communes aux passés coloniaux français et espagnol et, partant, à l’héritage gréco-romain qui faisaient de ces sociétés latines d’Amérique du Nord des entités moralement et spirituellement supérieures à celles des États-Unis et du Canada anglo-saxon. Ainsi la latinité, comme marqueur d’identité, offrait aux Canadiens français le double avantage de se réclamer du continent américain tout en signifiant leurs différences avec le reste du Canada. Cela devient d’autant plus pressant au printemps 1940 lorsque la France est perdue aux mains des Nazis : est-il possible de garantir la survie de la province de Québec sans la mère patrie, s’inquiètent alors nombre de nationalistes ? Plusieurs ont adopté la réponse de l’ULA, nous dit Demers, et se sont rabattus sur le Mexique pour penser la survie de leur culture latine. Au coeur de l’argument de Demers figure l’importance du symbolisme d’amitiés panlatines comme capital politique pour servir les fins d’acteurs marginalisés sur le plan national. Le chapitre 3 s’efforce de démontrer la chose par …